Photographier, c'est écrire avec la lumière, par Patrice
Chacun sa photographie.
La photo documentaire ne « documente » pas les événements, elle documente la vie. On fait
des gorges chaudes avec le documentaire, ce qu’on appelait le « magazine » dans le milieu de la
photo il y a quelques années et qui faisait rêver les faiseurs d’images qui
voulaient, et choisir leurs thèmes, et rester maîtres de l’organisation de leur
travail, qui espéraient plusieurs pages de parution dans les magazines au
papier plus ou moins glacé, contrairement aux coureurs de « news » pieds et poings liés aux
événements du monde et tributaires de l’actualité.
Les documentaristes, terme initialement réservé aux
cinéastes dérivé de l’anglais « to
document/documenter », est devenu l’appellation pour tout travail
renseignant sur la vie des gens et du monde. Il en va ainsi de la « street photographie » jusqu’aux
reportages de fond à caractère géographique ou ethnique, en passant par une manifestation
censée marquée l’histoire sociale de la société, alors que le rôle de la presse est de rapporter, de délivrer de
l’information ponctuelle.
Désormais, la photographie semble tout documenter
plutôt qu’elle n’informe. Le seul mot d’informer serait-il devenu maudit ou
plus assez « noble » ?
Le relookage
du langage n’est pas étranger à la perception que l’on veut donner à nos
ressentis. Asservir la sémantique langagière à une quelconque mode, c’est aussi
dénaturer, dissimuler la réalité des choses. Y aurait-il une crainte à vouloir
être informé ? Revendiquer de l’information serait-il devenu graveleux ?
Au-delà du simple langage et des mutations qu’on lui impose, c’est peut-être
aussi la réalité des choses qu’on veut dissimuler. Croit-on élever le débat et la qualité du langage en se documentant
plutôt qu’en s’informant ?
A partir du moment où une information est liée à une
parution, elle voit sa carrière limitée par la durée de la parution. Sa durée
de vie est contingente au renouvellement de l’information et au rythme de
l’édition. Toute information est par définition éphémère. Elle appartient au
mieux au quotidien, au temps qui passe. Ne
dit-on pas « regarder les
informations » ?
Ce qui documente relève de l’analyse, de l’étude et
s’inscrit de façon durable, n’est pas lié au même rythme que l’information. Cela
reste inscrit plus durablement dans des éditions de référence. Tout documentaire
mûrement réfléchi, étudié, analysé, reste.
Le documentaire est objet de référence, d’étude. L’information est dans l’Histoire, le documentaire est l’Histoire.
L’information se renouvelle chaque jour. Elle plie
l’Histoire à son rythme. Elle impose une course effrénée. Transmise par
l’intermédiaire de la photo, elle a son caractère, ses qualités et requiert un
savoir-faire. Comme sa cousine, la photo documentaire, elle a des qualités bien
que plus superficielles. Transcrire photographiquement l’information nécessite
de savoir aussi « écrire avec la lumière ».
Pourtant, la distinction se fait sur la notion
d’information. Celle-ci peut être factuelle ou de fond. L’actualité peut être
documentée scientifiquement lorsqu’il s’agit d’une étude (sociologique ou ethnologique), la science peut-être vulgarisée par
la presse. Documenter un sujet relève donc de la démarche scientifique. Le
dévoiler, le révéler au grand public relève des fonctions de la presse.
Patrice C.
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