Des écoutes dans les élections locales


Sous écoute dans les bastilles électorales

 
Merci à dame Isabelle de Choisy pour l'inspiration.

Je t’écoute, tu m’écoutes… ils nous écoutent.

Ecouter est une vertu. Elle est un gage d’apprentissage par imitation, d’abord, sans lequel nul ne prend un envol assuré pour tenter de créer, au final, un peu du penser à son tour. N’est-ce pas la maxime la plus fondamentale de ce que furent les études depuis l’antiquité. En politique pratique, c’est une autre histoire.

Le mot « écoute » plutôt décliné au pluriel domine dans le vocabulaire politique de cette troublante agitation électorale. Notre ancien chef de l’Etat sur « écoutes » ne concerne pas notre présent objet.

Dimanche, aux urnes ! Du moins le veulent-ils. C’est qu’il faut assurer un semblant de légitimé par une participation concitoyenne.

Hélas pour eux, à coup sûr cette votation sera marquée par l’abstention. Preuve s’il en était besoin que nous rirons une fois encore bien grassement à écouter (sic) les pleureuses professionnelles dans les mass-médias s’inquiéter du nombre de non votants, de non-inscrits et surtout des pécheurs dominicaux. Ces derniers, non à la canne, mais à la faute, à l’irresponsabilité, au laisser-faire pour donner libre cours au FN. Diantre !

La farce ne dure que trop depuis longtemps. Les urnes semblent les ruines du vaste champ laissé en jachère par une majorité taiseuse qui fait doucement sécession dans le pays. Le député Jean Lassalle lui-même en dresse les marqueurs, ce que fit avant lui le président du Palais d’Iéna Jean-Paul Delevoye, dans un rapport officiel du CES. En vain pour qui tient les rênes entre l’Elysée, Matignon, Bercy et le CAC 40.

A Vitry-sur-Seine, Lyon, Saint-Denis de la Réunion, Marseille ou Corte, comme dans la plupart des villes où un parti reste omniscient depuis des lustres, des dissidents recherchent les voix populaires.

Quelle est la principale motivation des listes de dissidents ?

Là aussi, on réclame davantage d’« écoute » de la part des élus, ces vaches sacrées adorant se comporter comme telles dans les vins d’honneur et repas du Troisième âge. Mieux, et en réalité, les non retenus sur les listes majoritaires, les mécontents non sur le fond mais sur la seule forme recherchent... une visibilité, oui, oui... dans la carte de la dissidence. Peut-être même une place de consolation dans une délégation honorifique.

La baronnie locale, à l’échelon de la commune et du département, demeure la substance féodale par excellence dans notre France « moderne ». Un seigneur parmi ses pairs assied son pouvoir en conservant à ses côtés des affidés, fidèles ou infidèles (qu’importe, il faut tout contrôler, tout écouter des putatifs velléitaires) et ordonne, sans le paraître, des actes d’allégeance diversifiés par le recours à tout l’arsenal légal du Code des communes.

Bien sûr, il dispose de valets et écuyers dans les membres de son cabinet, chargé d’être « à l’écoute » des doléances de la population du fief électoral, de répondre à des demandes pratiques (la demande d’un logement social, par exemple, levier concret du pouvoir temporel, ou un bateau d’entrée à rénover…). Constitué généralement d’un directeur, faisant la passe de deux entre réseau politique et fonctionnaires territoriaux, d’un chef de cabinet spécialement chargé de régler les troupes partisanes et l’agenda du seigneur et, enfin, d’une ribambelle de conseillers et secrétaires membres dudit cabinet.

Dans les fiefs puissants, l’indemnité du seigneur est aussi forte que la ville est importante. Souvent, un carrosse, pardon, un véhicule de fonction de qualité lui est alloué, ainsi qu’une ligne téléphonique, une carte bancaire pour ses faux frais, parfois même un studio de fonction pour agrémenter son séjour ou ses cinq à sept… de toute façon, petit ou grand maire a tables ouvertes dans son fief. A défaut quelques aménagements dans les menus ou l’apéro et le pousse-café offerts « par la maison ». Ses adjoints sont eux aussi bien servis.

Ensuite, n'omettant pas les prébendes féodales dans toutes leurs étendues vaguement républicaines, viennent les précieuses nominations aux délégations diverses et mandats précis des conseillers municipaux ou concitoyens emblématiques choisis au bon vouloir du seigneur, lesquels bienfaits sont bien plus souvent rémunérés qu’on ne voudrait le croire. Un autre moyen de gérer une carrière de seigneur local est de financer convenablement ou pas les associations les plus visibles du fief. Et c’est là tout le sel de l’utilité au sens de Bentham, d’agir dans le cadre de l’« écoute » généralisée des électeurs, quitte à paraître fieffé opportuniste ou clientéliste : un élu doit savoir maximiser des plaisirs dans la durée et leur intensité effectifs de par & dans la fonction. Pour en croquer, même quelques restes, il faut se rendre visible et communiquer par une liste quelle qu’elle soit, y compris une liste de dissidents du parti majoritaire dans un secteur électoral. C.Q.F.D.

Un maire, un conseiller général ou tout autre élu communautaire se doit d’« écouter » ses électeurs. La survie politique en dépend. Car conquérir une terre n’est pas la panacée ; il faut la conserver, voire augmenter quelques plaisirs honorifiques dans la carrière en visant plus haut. Si cela est possible. Vient le moment où préparer sa succession s’ouvre comme à la cour du baron Perché.

Espièglerie murale pas si dénuée de bon sens
Ecouter est une vertu, écrivions-nous le clavier en cœur plus haut. L’apprentissage d’un élu est une imitation ancestrale. Mais il n’y a pas lieu de comprendre hic et nunc qu’il puisse s’agir là de penser dans sa charge. Le calcul instrumental du dissident est lui aussi une imitation, un art de l’« écoute », un sens du vent, index en l’air dans le fief espéré, les plaisirs revendiqués dans le secret de son âme dévouée… au civisme si moderne. Car bonne fille, la République le rend bien…


LSR

 

 

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