Fiscalement vôtre, l'art aujourd'hui !, par Patrice
De l'art privé partout.
Je ne résiste pas au plaisir de rebondir sur un papier
de Guy Konopnicki paru dans Marianne.
Rarement je me suis autant marré et ai apprécié une
telle prose. Perfide et acide, certes, elle l'est. Il faut dire que le sujet,
qui a dû l'interpeller, lui aussi, à de quoi séduire.
S'agissant d'abord de la remise du prix Nobel de
littérature attribué à Patrick Modiano, fusse même à la surprise générale et
cela n'est pas important, ces prix-là concernant rarement les auteurs très
populaires, c'est-à-dire de hall de gare. Le plus chatoyant de l'affaire s'est
produit quelque temps après l'annonce, lorsque l'on a demandé à Madame la
ministre de la Culture ce qu'elle en pensait et qu'elle a eu le courage (ou l'effronterie) d'avouer qu'elle n'avait
jamais lu Modiano. Ça jette un froid !
En soi, si cela est cocasse, c'est surtout révélateur
de la situation de la culture en France. A l'heure de se voir attribuer le prix
Nobel (ce auquel nous sommes relativement
"habitués" et avec fierté),
il eût été de bon ton que l'instance supérieure et représentative de l'activité
fasse au moins profil bas, comme elles savent toutes si bien le faire à
longueur de temps. Mais pas du tout ! Haut et fièrement, on avoue ses carences.
C'est carrément Marie-Antoinette s'étonnant que les Français n'aient pas de
pain à manger. « Mais pourquoi,
diable ? Du haut de mes talons, j'assume ! » Fermez le ban !
Autre tartarinade devenue monnaie courante et toujours
du même auteur : l'ouverture d'un musée d'art moderne dans le bois de Boulogne,
à Paris.
La ville de Paris a accordé le terrain à la condition
de le récupérer dans cinquante-cinq ans, avec ce qui occupe sa surface. C'est
en quelque sorte un prêt à long terme avec option d'appropriation. Jusque-là,
rien d'anormal si ce n'est qu'on a amputé un espace vert d'une partie de son
espace public pour l'attribuer à une activité privée, et payante, bien sûr.
Ensuite s'impose le constat que cela fait des années et des années que l'Etat
n'a pas investi dans un espace culturel. Il est vrai que pour Sarkozy, la
culture, c'est ce que l'on met sur une tartine et que Hollande ne s’exprime pas
sur le sujet. Il n'y a donc plus à Paris d'investissement national dans des
projets culturo-esthétiques depuis longtemps, fussent-il critiquables. De la
même façon, et tout aussi cavalière, que l'on fait du PPP (partenariat privé-public) rentable pour le privé, on privatise la
culture. L'art moderne, qui n'avait pas encore de lieu dédié, se voit héberger
par une enseigne commerciale de luxe. Il ne saurait s'agir du Musée national
d'art moderne, juste de la représentation de ce que peut faire une entreprise
de luxe, par ailleurs détaxée de prélèvements fiscaux et sociaux et d’en
poursuivre le profit.
On a déjà beaucoup glosé sur la vente de la tour Eiffel.
Ne rions plus trop…, l'Etat doit prendre de l'argent là où il est chez lui. Au
moins, avec la privatisation de l'art est-on sûr de ne pas être dépouillé de ce
qui ne nous appartient pas.
Patrice C.
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