Violence létale de l'Etat, par Patrice
L'Etat déclare l'état de violence légale.
L'émoi et la sollicitude que provoque la mort d'un
jeune homme lors d'une manifestation d'opposition à un projet d'aménagement
rural est parfaitement légitime. D'abord de la part de ses camarades proches de
lui dans ladite manifestation, ensuite dans l'ensemble de la population tant la
mort de cette façon (personne et motif)
et dans ces conditions-là est insupportable.
Il s'en faut d'un sujet vaste, car il touche autant les
origines de l'affaire que son triste épilogue. On ne peut effectivement pas
concevoir qu'en 2014 on puisse mourir en exerçant son droit légitime à
s'exprimer. Les lois et l'évolution humaine de la société nous ont fait ranger
des souvenirs du même type, dont le dernier remonte à trente ans, parmi les
affres de notre histoire. Peut-on encore imaginer pareille horreur ? Il en
va, là aussi, de notre évolution en tant que société. Régie qu'elle est par la
politique et donc par la participation encore légitime de ses citoyens, il est
vrai qu'on se demande à cette occasion pour combien de temps encore. L'heure
n'était plus aux questions ce triste samedi soir, en pleine campagne, mais à
l'affirmation du droit légitime à la différence politique. Le premier signe de
bonne santé d'une société, c'est aussi le temps de latence et de réaction que
suscitent les initiatives d'Etat. Sans réaction aucune, il en irait de fait
d'un ensemble humain dépourvu de vie donc de réaction, tenu par la peur et la
crainte, ce que la France ne sera jamais. D'autre part, exercer légitimement
ses revendications, notamment écologiques, ne doit pas — ne peut décemment pas — induire des risques pour sa vie.
Le déroulé des événements est connu car fréquent. Il
s'agit d'un "jeu" de
donnant-donnant, de questions et de réponses qui doivent - normalement - être adaptées aux circonstances qui sont et restent
très urbaines, même lorsque cela se produit à la campagne, urbaine s'entend au
sens éduqué, civilisé, socialement policé, c'est-à-dire convenu. On imagine que
des débordements d'adrénaline ou de testostérone ne sont pas exempts de
semblables situations. En tout état de cause et de situation, l'Etat doit être en mesure d'adapter sa
réponse conformément aux règles en usage en société civilisée. Il a pour cela
les forces nécessaires avant d'en avoir l'emploi régalien et légitime tant que
cette légitimité reste républicaine. Dans le cas de figure, on s'est
retrouvé en présence de forces militaires face à des civils. Les Compagnies
républicaines de sécurité, sur lesquelles on ne manque pas de gloser,
sont les forces ad hoc dans des
circonstances identiques et dépendent de la Police. Seraient-elles
exclusivement réservées à des usages urbains ? Si non, pourquoi dans ce
cas, avoir fait intervenir des Gendarmes mobiles qui sont avant
tout des militaires, hommes d'armes et de guerre ? Leur formation et leur
savoir-faire sont ceux nécessaires à des situations conflictuelles armées (Mali), comme tout militaire.
Circonstance aggravante dans le cas présent, mais qui
s'explique s'agissant de militaires, pourquoi utiliser des matériels de guerre
contre des civils aux mains nues ou presque ? Les grenades de type offensives (OF) ont été créées en 1914 pour les
conditions que l'on sait. Si elles furent utilisées depuis hors situation de
guerre, c'est un miracle qu'il n'y ait pas eu plus de victimes dans des manifestations
à demi pacifiques, mais ne saurait justifier qu’on les utilise encore.
La « chasse »
à la responsabilité n’a de fait pas de raison d’être si ce n’est pour mieux
désigner un coupable improbable et (forcément)
subalterne, tant cela paraît facile et dérisoire et le signe d’une impuissance
et d’un refus d’honorer ses responsabilités qui elles, sont nationales. Dans le
cas contraire, les Français seraient mis devant le fait accompli de la mise en
place d’une politique qui ne dit pas son nom et qui trahit les principes
républicains qui sont le dû de toute la nation.
Autre question : va-t-on vers une militarisation de la société ? Verra-t-on des
chars dans les rues et des mitrailleuses sur pied dans les carrefours lors de
prochaines manifestations ? Doit-on s'attendre à des tirs de mortiers lors
de manifestations en campagne ? Y
a-t-il une volonté de la part de l'Etat de faire monter de plusieurs niveaux
les moyens de coercition tant il se sait peu fort par lui-même ou a-t-il décidé
de s'imposer pour ce qu'il est officiellement :détenteur légal de la
violence ?
Le pas est toujours étroit entre l’attitude nécessaire
et celle qui dure et qui s’installe. Cela s’appelle aussi du terrorisme d’Etat.
Patrice C.
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