Vers la déliquescence du "système", par Patrice
A tombeau ouvert.
Le fameux "système",
ce n'est pas une machine infernale mise en branle par on ne sait trop qui et au
profit d'on ne sait trop quoi. Le système,
c'est la vie d'aujourd'hui. C'est un ensemble de choses qui font qu’on tourne
le dos au savoir, à l'expérience, au vécu et qui poursuit un chemin aveugle.
Bien sûr que d'aucuns en tirent profit ! Comment cela serait-il possible
autrement ? Qui ne tire pas profit de quelque chose, de quelqu'un ?
Il ne s'agit plus de système au sens politique du
terme. C'est un ensemble de choses actées, admises comme étant la vie
maintenant. On y participe tous, et nous sommes tous des gourous de nos propres
tendances, pas des émules de l'ENA, de Science Po, de HEC, de Dauphine ou
autres antres à profilages, à identités, si pratiques et si dérisoires mais qui,
de fait, ne changent rien. Nous contribuons tous à maintenir cette machinerie
sur des rails qui s'enfoncent dans un avenir de plus en plus incertain mais
qu'on considère comme inéluctable et que l'on accepte sur un terme court. Si le
terme, la vision étaient longs, il n'y aurait pas de système durable, il n'y
aurait pas d'Histoire. A-t-on projeté l'évolution, l'histoire du monde ?
Gouverner n'a jamais été que prévoir à court terme. C'est le chemin emprunté qui n'est plus le bon et ceux qui le
construisent qui ne sont pas à la hauteur de la tâche, c'est-à-dire nous tous.
La défection de tous rend possible l'avance à l'aveugle
de la vie d'aujourd'hui qui n'a plus rien d'ambitieuse, de collective, de
sociétale. La composition, la construction de la société se fait autour de
totems identitaires. Elle ne se construit plus avec une vision d'ensemble. A
chacun son petit monde social sur des territoires de plus en plus délimités,
étriqués pour mieux se protéger, croit-on. Plus de transversalités, que des
constructions verticales, des histogrammes de société tous plus éphémères les
uns que les autres, un paysage, une construction de statisticiens. De ci, de là
émerge une aspérité : un monde fait
en miniatures. Chacun son havre, sa complicité exposée, réservée et
identifiée.
Que croyez-vous qu'il puisse advenir d'un monde
fragmenté, resserré sur des valeurs propres et étranger aux autres ? Où se
trouve la puissance nécessaire à la survie ? Les décisions partielles ne
font pas un ensemble capable d'assumer la totalité des responsabilités. C'est
d'un appauvrissement général dont il s'agit en fait. Inévitablement, il viendra
le moment où il faudra déléguer pour regrouper et poursuivre le chemin. L'abandon d'un horizon global fera le
bonheur d'un grand manipulateur qui n’aura qu’à se baisser pour se saisir du
pouvoir. Se posant comme rassembleur tant attendu, il n'aura plus qu'à
imposer son dirigisme, sa loi. Le rassemblement rassurant sera vécu comme une
délivrance attendue. "Enfin un
pouvoir, un vrai !"
C'est oublier un peu vite que ce pouvoir, qui
s'imposera comme divin à la satisfaction générale, ne se satisfera pas de
prendre la seule responsabilité dirigeante. Il imposera sa vision de
l'organisation, des décisions. Trop heureuse de déléguer et de se voir enfin
prise en compte, la société sera vite débordée par ce qu'on lui présentera
comme des nécessités à respecter, dussent-elles être admises par la force et la
contrainte.
L'absence
longtemps rejetée du tous pour tous ne peut que déboucher sur la lutte de tous
contre tous et donc de la déliquescence sociale. Il
n'y a, dans ce cas, qu’un pouvoir fort, capable de l'exercer, tant il paraît
rassurant qu'enfin il y en ait un, qui puisse se substituer à la collégialité.
C'est oublier un peu vite que celui-ci aura ses exigences. Abandonner un
pouvoir global et consensuel, c'est remettre les clefs du pouvoir à un
centralisme omnipotent. Ne plus se reconnaître dans les structures que l'on
s'était données, les abandonner, c'est offrir sa tête au billot.
C'est par défaut
d'initiatives et de responsabilités assumées que l'Histoire repassera le plat
du despotisme.
Patrice C.
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