A bas le salariat, l'autre forme de la guerre internationale (dédié à Stéphane R.)
Le 26 novembre 2013, Le Serpent Rouge questionnait le
salariat, cette douche-froide de la prostitution modernisée.
A Stéphane R., fonctionnaire usé.
Industrialisation & « valeurs »
républicaines, vivifier le vide.
A bas le salariat !
La presse vit une crise industrielle comme la finance
s’est industrialisée dans l’avant-crise aux Etats-Unis des subprimes. La culture est devenue « industrie culturelle », T.W. Adorno le démontrait déjà en son
temps dans ses analyses.
Dès que l’industrie devient la méthode de production,
les salaires et émoluments trahissent l’honnête
travailleur qui n’est plus porté
qu’à regarder le néant sous ses précédentes ardeurs professionnelles.
Quelles étaient-elles ? La foi en le métier,
l’amour du travail rondement mené, la volonté de s’améliorer, de créer, de
rendre un produit de qualité, renseigné ou façonné dans les règles de l’art.
Sous-payés désormais, déconsidérés par des objectifs
justement industriels, démontant la saine volonté industrieuse d’antan, les
travailleurs n’aspirent qu’à remplir un compte bancaire sans prendre le temps
d’aimer ce qu’ils font. Cette précarité engendrée par le rapport
salaire/productivité n’est pas le mal absolu pour les travailleurs. Ce qui mène
à la dépression généralisée, ce sont les chefaillons serrés dans leurs
objectifs qu’ils ne maîtrisent pas davantage que leurs subordonnés, le peu de
respect pour l’emploi, la mission, la qualité, et y compris depuis qu’on a mis
en place dans les process des
services et normes « qualité »
sur tout et rien. Les artisans d’antan, vivotant chichement, mais heureux de
leurs boulots sont de plus en plus rares. Le boulanger, le charcutier, le
cordonnier sont désormais soumis aux rythmes de leurs banquiers, assureurs,
fournisseurs, clients et autres contingences économiques et commerciales.
Certes, à lire la presse si parisienne et par nature
étriquée, quelques-uns sont parfaitement heureux derrière l’objectif du
photographe, dans une belle officine, de beaux étales.
A Lille, Strasbourg, Paris, Bordeaux, Lyon et
Marseille, quelques lurons nous font croire à l’illusion d’un monde enchanté
dans le commerce de bouche et de services à la personne.
La soumission aux
insignifiances devient le spectacle rafraîchissant d’un terrible coup porté à
l’indépendance dans le travail.
Que dire des professions dites intellectuelles ou
culturelles où les minots bossent pour moins de 500 euros quand des diplômés
végètent, avec un joli titre ronflant, Messieurs-dames, pour quelques milliers
d’euros consentis dans la sueur des heures passées à ne pas vraiment exister ?
Encore moins s’épanouir dans son travail…
Nous manquons de perspectives historiques, c’est un
fait. Un fait aussi rude qu’une baffe sur les valeurs de la République.
Lesquelles « valeurs » n’ont aucun fondement, aucun sens juridique
puisqu’elles sont évoquées sans en délivrer les arcanes.
Un groupe de politiciens, philosophes et historiens a
bien tenté, dans un bréviaire paru en édition de poche, de les mettre en avant.
Aucune définition plausible n’a été tirée à l’occasion.
Est-ce l’idéologie du progrès ? Est-ce
l’illimitation des occurrences liées au triptyque républicain
liberté-égalité-fraternité ? Fumeuses scansions des assis du confort de
leurs rentes.
Des associations philosophiques et philanthropiques, il
y a quelques années, avaient organisé des symposiums sur lesdites « valeurs »
de la République. Malgré la qualité des intervenants, rien n’est sorti là non
plus pour en définir l’axiologie précise. Les perspectives historiques, comme
l’art hauturier, sont formées par la connaissance des vents, des voiles, la
sagacité du barreur allié à la vigie et un capitaine solide pour lire les
cartes et transmettre les bons commandements aux hommes de quart.
Toutes les
conditions sont réunies pour une dépression généralisée. Nous le savons, la
dépression est le confort des faibles et du renoncement instituant ex nihilo la prise de risque social.
Vain et faux, le risque effraie dans ce qui reste aux individus : le
confort, même le plus imparfait (j’allais
dire, du moment qu’ils possèdent bière, foot, canapé et télé nombreux sont les
individus qui croient exister). Par capillarité, elle prend forme, un peu
comme la terre glaise qui, ajoutée à une fine pluie, devient glissante jusqu’à
sécher en bloc aussi dur qu’on l’a moulée ainsi.
Rien n’est plus
socialisé que la dépression. La « grande dépression » des années trente a été générée, Steinbeck
le montrait dans ses Raisins de la colère (1939), d’abord
par la folie destructrice de quelques banquiers et patrons obnubilés à
considérer l’homme comme objet interchangeable. Une ressource humaine,
dirions-nous aujourd’hui comme on s’en délecte au CNAM et dans les coins où l’on
se cache pour des petits besoins.
Reflet d’une période
précise du développement anarchique du capital, celui-ci se dilue et prend
son indépendance y compris à l’égard des institutions prétendument
régulatrices.
Autre fait notoire, cette période n’est que le pendant
d’un vaste remaniement dans le partage du monde (il s’agissait du troisième repartage). En cela, il n’est pas anodin
de le répéter à loisir : depuis la fin des années 1990, nous nous situons
de plain-pied dans le quatrième repartage du monde, avec ses nouvelles formes
politiques (dissolution des Etats,
dissolution des souverainetés, entités supranationales grevées d'espérances irrédentistes),
ses directions économiques (« globalisation » versus « mondialisation », deux concepts discutés à foison pour ne pas dire impérialismes en rivalité permanente) et humaines (individualisation hédoniste, solidarisme
plutôt que solidarité...) où le
politique n'est plus rien sinon l'anarchie de l'industrie folle de la
financiarisation des êtres et des choses quand les consortiums s'arrogent la
maîtrise de la politique.
De ces faits s'ébrouent petit à petit les ferments de la guerre générale,
perceptibles dans les rapports salariaux comme les relations internationales.
Osons donc les
parallèles audacieux : guerres entre les services, concurrence sans fin
entre collègues, passe-droits pour les uns, rebut pour les autres...
On n'en finit plus d'avancer à l'aveuglette dans les
méandres de la politique internationale... on n'en finit pas de cautériser (provisoirement) ce qui peut encore
l'être... jusqu'à l'étincelle supplétive au filet de gaz qui s'échappe d'un
côté du vaste monde.
LSR
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