Retour de Lady Long Solo dans l'arène urbaine [1], par Raoul Bidard


Lady Long Solo caresse l’idée de porter son Socialiste.

Les fêtes de fin d’année sont souvent l’occasion des ripailles et hypocrisies concertées par un pacte social secret. Noël en famille, Saint-Sylvestre entre amis. La belle affaire.

Entre amis, tout est permis. Les plus parfaites idioties comme les plus ineptes fêtes publiques. Si vous défilez sur les Champs-Elysées le 31 décembre vous emporterez un must du beauf clownesque baba de trinquer au Champ’ par grappes humaines.

Je m’égare. Là n’est pas le cœur de l’histoire dont je veux vous conter les mirifiques talents. Talents incarnés par la jolie Lady Long Solo.

Je vous narrerai les aventures de cette élégante créature d’aujourd’hui, une de plus dans Paris. Mi perverse, mi Saint-Phalle quand tous les regards bercent son déhanché, de droite, de gauche, elle a son inséparable naturel de donzelle pour le moindre de ses déplacements urbains. Même seule chez elle, Lady Long Solo joue le Grand jeu du plaire & déplaire, assorti de son membrement du vice des autres.

***

9h00. Lady Long Solo se lève. Café éthique, tartine pain et confiture bio oblige, son indice de masse corporelle tient la rue et l’espace remise en forme. Jus d’orange pressé au Monop’, la Lady allume son premier cigarillo. D’instinct, elle ressent que la journée sera belle. A Paris, soit dit en passant, toutes les belles ont de magnifiques journées (forcément) de toute façon.

Toute affaire cessante, nous ne décrirons pas plus avant la vie quotidienne et la nature de cette fée des villes. Laissons l’instant flirter avec le réel. Bien plus tard, en plusieurs épisodes, nous aurons l’occasion de prendre place dans la garde-robe de Lady Long Solo, dans sa baignoire, dans sa kitchenette de service, dans sa cuisine d’apparat, devant sa télé… et même sur le dos dans son rutilant canapé où elle adore mutiler quelques passants pour passades.

9h20. Petite robe, paire de collants rouge, dessous du même tonneau, pull en cachemire rouge. Surtout, Lady Long Solo a une envie de saper la mauvaise humeur ambiante de son entourage. Les frustrés ! Ses voisins d’abord. Musique !

Dans le Marais, on apprécie plus que tout Noël. Imiter les familles traditionnelles agite les plus recomposées, les moins fidèles au message des dieux.

Lady Long Solo pratique le Marais depuis deux ans déjà. Une paire d’année. Si elle a choisi de quitter le XVIIème pour rejoindre le centre, c’est d’abord pour se déguiser en parisienne. En être, c’est encore vivre au village. Musée Picasso à deux pas, boutiques de fringues partout, des amants possibles des trois sexes à chaque pas de porte.

Lady Long Solo aspire sans le savoir aux joies de saint Jean de la Croix. Mourir n’est rien si vivre est aussi la commettante de l’acte le plus silencieux tourné vers Dieu.

L’inquiétude ne relève pas du tempérament de notre Lady. Pour ne pas paraître isolée dans le quartier, car ici paraître c’est « être », elle choisit un manteau choc, cher et chic. Socialiste est la marque de la haute, le choix des filles insolentes. Socialiste, il fallait oser monter de la pure peau teintée de kangourou pincée de fines pierres bleues. Le créateur Laurent Fanus l’a fait, Pierre Lagneau l’a vanté dans ses journaux.

Couleur bonbon, enfiler un Socialiste, c’est s’assurer le respect et l’admiration des touristes. C’est encore, pour Lady Long Solo, l’occasion de ramener quelqu’un pour la nuit. Pas n’importe quel quidam. Du dirigeant, du suintant de pouvoir. Tous les pouvoirs. Economiques, bien sûr, mais plus encore, notre danaïde recherche les élus, ces nantis de la passe et du droit en goguette. Chut… pas un mot supplémentaire. Le silence, toujours. Ne rien dire, éprouver les sens par la seule apparence, la seule vue. Tout un art de courtisane.

Déambuler en Socialiste dans le Marais attire le regard, donne le ton du sérieux et de l’entrisme social de la nymphette.

10h15, Lady Long Solo passe un vinyle sur la platine. Les amours de Damia réveillent d’éventuels dormeurs du 24 au petit matin. Surtout, les chapons et dindes des Lofts cuisent en fond de sauce de vieux rythmes. Les épouses se massent les lobes en songeant aux cuisses de Lady Long Solo. Leurs époux dévergondent les 140 signes sur des smartphone aux couleurs de fête. Le véritable cadeau de Noël, pour tous, serait de passer la nuit en compagnie de Lady Long Solo et ses rutilances, ses rideaux en rasoirs et son enthousiasme à manier mots et fessées.

10h20. Jésus Bellegueule en déterré de ses frasques nocturnes fredonne ses angoisses de fin de mois. Plus une thune pour se goberger d’un Calva-café au bistroquet d’en bas. Inviter Lady Long Solo. Sms expédié, réponse assurée. La Vénus est okay. Jésus enfile sa nuisette et descend les escaliers. Air grave au front, pas sifflant le tapis des marches, Jésus adore le matin les jours de teuf.

Je le taillerai en costard trois pièces et cravate de soie, je vous les conterai aussi les aventures de Jésus Bellegueule. Lui, dans le Marais, lui à L’Assemblée, lui au Palais, lui en congrès, lui en avion, lui au Quai, lui à l’hôtel. Elles consisteront en quelques épisodes richement menés. Ses dédains fureteurs, ses talents d’amant tarifé, les prix de son consulting selon ses prestations pour vous, Mesdames, pour vous, Messieurs, ferons nos affaires. Moins salée qu’au Palais Bourbon où il dirige un fort discret courtage en lobbying de la vape et du tabac, plus quelques huiles en Territoire ultra-marin du rhum vieux.

Il vous faudra cependant patienter. Salivez. En attendant, observez-là, notre Lady Long Solo… N’est-elle pas la plus exquise des héroïnes de Paname ?

Tout de rouge lilas vêtue, manteau de cuir bonbon Socialiste, boucles Chanel aux oreilles, elle s’installe en terrasse face à Bellegueule, Jésus de son prénom, mais dont le surnom fut un poème de Ryad à Sarajevo, en passant par l’Afghanistan.

Raoul Bidard

 

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