Vers une crise institutionnelle
Retour sur les
causes des huées
du 11-Novembre 2013
Le
septième président de notre Vème République, François Hollande, élu comme tout
le monde le sait le 6 mai 2012 à l’issue d’un second tour contre le président
sortant Nicolas Sarkozy lui aussi, pensait-on, tout aussi honni que son
successeur par une large partie de la population, a connu une première dans l’histoire
politique institutionnelle : un chef d’Etat est hué lors du dépôt de
gerbe sur la tombe du soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe, puis essuie des
sifflets nourris à la sortie de la mairie d’Oyonnax, dans l’Ain, où il venait
de prononcer un hommages aux Résistants de 1943.
Nous
ne reviendrons pas sur ces désormais si célèbres huées déplorables, dans un
moment privilégié où le chef de l’Etat incarne en premier lieu institutionnellement
le pays, son histoire républicaine et représente l’ensemble du peuple sine die, dans le dessein de commémorer
le souvenir des Morts pour la France.
En
revanche, des causes réelles et sérieuses fondent ces conspuations inédites. Notre
compère Patrice C., ici même dans L’Atelier du Serpent rouge, en date
du 12 novembre, tirait la cause et le constat de ces actions de désunion
nationale :
« La bronca qui accable aujourd'hui François
Hollande n'a d'autres origines que le désespoir de ne pas voir le pouvoir
incarné par son président (…).
L'espoir que les Français ont placé, bon gré mal gré,
en François Hollande n'est que le résultat a minima d'un besoin et d'un espoir malmené par son prédécesseur. Il faut
admettre que la petite majorité qu'a obtenue Hollande n'est que le résultat
d'un choix par défaut. »
D’abord,
pour le 11-Novembre sui generis et in
casu, voilà qu’Hollande a inauguré, non pas le souvenir des pioupious tranchés dans le vif d’un
conflit de boucherie, ou pas seulement, ni même la guerre impérialiste et ses
causes, mais il a assumé en son état institué de chef de l’Etat l’idée de… fêter
la guerre à l’aune d’un an. Là encore, ici même, notre clairvoyant complice
questionnait l’étrangeté de ce paradoxe pas si innocent de la communication
élyséenne en la substance pour une telle confusion des annonces :
« Je trouve très étonnant que le 11 novembre
on commémore la fin de la Première Guerre mondiale, ce qui est tout à fait
normal, alors qu'en même temps on lance les préparatifs pour commémorer
l'entrée dans la même guerre avec des festivités prévues pour 2014. »
L’un
de ceux qui se sont penchés sur les broncas qui ne cessent d’émailler les
déplacements de notre cher Grand mou socialo-libéralo-démocrate, dans le but
d’informer nos joyeux confrères journalistes jamais avares de retranchements
apeurés derrière un savant -puisqu’ils se
savent aussi faibles qu’une Miss Corrèze peroxydée- est le professeur
d’histoire contemporaine Jean Garrigues
(université d'Orléans et Institut
d'études judiciaires de Paris I) qui
en a sous le béret vu qu’il préside en sus le Comité d'histoire parlementaire et politique (CHPP) et dirige la revue Parlement(s),
Revue d'histoire politique. Bref, un très averti connaisseur de l’histoire
politique et constitutionnelle comparée.
Que
nous soutient Jean Garrigues si justement ?
Pour
lui, les huées du 11-Novembre ne doivent d’abord pas être sur-interprétées,
rappelant que « l’extrême-droite
a une forte tradition de violence
politique » quand, pour autant, ces conspuations récurrentes « sont bien le symptôme d’une tension
et d’une crise profonde de la société française ». Incroyable !
Ce serait donc à la fois l’extrême-droite et la résultante d’« une crise profonde » de notre
société… Estomaqué nous sommes… Cela, nous ne l’avions vu, mon éminent complice
et moi-même. Qui furent les siffleurs, qui furent les hurleurs ? Ont-ils
une carte politique dans la poche, un mouvement assuré auquel se reporter ?
Des preuves, des preuves… mais non, dans le vent des temps maudits, il faut
qualifier, étiqueter les fauteurs des troubles dans la médiacratie de vitesse.
Ce
sont peut-être des non-encartés, des éléments lambda, voire des syndicalistes
fermiers ou salariés de quelques obédiences… Fi ! Que nous importe !
Soixante-treize trublions ont été interpellés sans qu’aucune suite ne nous a
été délivrée par la presse pourtant si prompte, et en chœur presbytérien, de
nous asséner qu’ils étaient, sûr, c’est vrai, assurément issus de « l’extrême-droite ».
Un
esprit averti en valant deux, nous nous interrogeons benoitement sur ce qu’est
un militant d’extrême-droite, pour l’occasion. Suivez bien, malgré le trouble.
Sont-ce
des adeptes d’une « France forte »
désireux de reléguer les « assistés
des allocations sociales » (deux
extraits de slogans usuels de l’UMP) à la double punition qu’ils
méritent : le travail et l’amende ?
Sont-ce
des excités antisémites et antirépublicains habituels mais discrets jusqu’à
présent ? Alors, là, oui… osons, osons… mais de quelle branche politique
exactement ? Pas de reporter téméraire pour nous le dire. Un monarchiste,
un fasciste, un nazi, un national-conservateur, ou que sais-je encore, du type
révolutionnaire-conservateur, ne saurait absolument pas relever de la même
famille partisane, et encore moins idéologique. Imaginez donc un membre du NPA
qu’on associerait au PCF, à la vieille LCR, au POI ex PT, le tout malaxé avec
un roublard de LO enrubanné avec les poils d’un José Bové ? Les uns et les
autres se mutineraient à coups de crâne dans le mur de la cellule de leurs partis.
Nous l’écrivions il y a quelques mois, pas plus que l’extrême-gauche existe,
l’extrême-droite prise en un sens global n’existe (lire : http://atelierserpentrouge.blogspot.fr/2013/06/lextreme-gauche-nexiste-pas-par-patrice.html).
Certes,
la presse est bonne fille (publique… et sans grand nombre de lecteurs de sa seule responsabilité). Ne
peut-elle pas donner à lire des développements plus diserts, plus étayés ?
Non, il lui faut des étiquettes, des phrases ramassées, des éléments de langage
connus pour que ce cochon de lectorat populo déchiffre « l’actu chaude » entre son café au
comptoir ou serré entre deux voisins dans son compartiment pour filer au
boulot.
Hélas,
nous avons la presse que nous méritons… autant que nous méritons les médiocres élus
au sommet qui nous représentent au final si bien : versatiles, paumés dans
les vues pour le collectif national, diluant ou buvant le bien commun, empêtrés
dans une vision politique unique : l’Europe et le capitalisme comme
horizon indépassable de notre attentisme coi avant la guerre.
Poursuivons
donc avec Jean Garrigues, malgré notre petite digression fort utile, ma foi, et
nonobstant tous les castrateurs du copié-collé
de nos confrères. Notre honnête penseur lie « la crise actuelle » (laquelle ? Bon, passons… on verra plus tard ce point précis) avec une
« trivialisation du président de la
République », lequel mouvement de fond aurait commencé avec Nicolas
Sarkozy. Là, c’est sûr, je me souviens que même Cécilia, dès 2008, l’épouse de
Nicolas avant Carlita, chantait sur tous les tons, dans les sérieux hebdos Paris-Match et Voici que « Nicolas,
i’fait pas président ! ». Est-ce, cependant, un ingrédient
suffisant pour saisir le trouble institutionnel contemporain ? Pour
parachever ce laïus avec l’Orléanais Jean Garrigues, il s’agit surtout « d’une digue symbolique qui saute peu à peu ».
Dont acte. Il a raison. Nous le lirons encore et encore…
Reste
que le texte de la Constitution l’exprime clairement, précédé du Discours de Bayeux du 16 juin 1946 du
général de Gaulle qui fut l’un des bréviaires des carnets rouges, ou minutes principielles
des débats sur notre constitution matérielle : le chef de l’Etat est accepté par le peuple. Lequel texte du 4
octobre 1958 édicte au Titre II les articles 5 à 19 qui fixent, garantissent et
précisent les compétences du président de la République. Notamment, l’article
5, alinéa 1 stipule qu’il assure « par
son arbitrage, le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ».
Cet
article 5 n’envisage que l’unique moyen du président dans les six missions qui
lui sont dévolues dans l’ensemble de l’article : l’arbitrage. Toutes les missions idoines trouvent des répercussions
instituées dans une mise en œuvre d’une ou plusieurs dispositions de la
Constitution, dont toutes renvoient expressément directement ou indirectement dans
les mentions sous-entendues et interprétatives de cet article 5.
L’arbitrage
est le maître-concept de notre constitution gaullienne pour définir le « rôle » du président.
Autant
dire, pour aller vite, nos présidents contemporains ne parviennent pas à la
cheville ouvrière d’une époque mal connue d’eux, mal perçue selon leur classe
sociale énuclée en vertu de leurs très faibles moyens, dispositions et
possibilités autre que dans le cadre on ne peut plus restreint des seules
institutions. Autrement dit, s’il advient que telle ou telle situation déborde le
cadre institutionnel, la règle du jeu bornée, sorte de PS4 de la
politique, nos présidents ne sont pas grand-chose. Dont acte : on le
constate chaque semaine depuis des années !
Et,
puisque nous avons au mieux et au choix des histrions, des pantins des
consortiums de l’industrie et de la finance internationale, des caciques de
petits partis nombrilistes, et encore des bambins du grand brouet historique
d’avant-guerre, nul besoin de souhaiter d’eux qu’ils ne deviennent autre chose
que des agents de la seule police sociale, de ces vassaux de l’étiquette et du
mime rituélique, sans en en posséder le talent ni l’honneur eu égard à deux
temps historiques prépondérants pour un élu politique digne de ce nom : proposer un horizon d’attente au peuple et
un champ d’expérience ancré dans les expériences du passé en en tirant les leçons.
Deux
éléments élémentaires de l’histoire concrète que ne réalisent plus nos
présidents de la Vème République, nos nains du suffrage censitaire prétendument
universel, ces gougnafiers de la parodie de démocratie, tellement représentatifs
de ce que sont la plupart de nos contemporains : versatiles, bourgeois et
bohèmes, imprégnés de look et d’egos,
sous-alimentés en politique cohérente et en histoire sue, lue et comprise.
Quant au peuple, petit en volonté, petit en obtentions sociales, vociférant et
crieur dès que l’un de ses présidents passe ici, festoie là-bas, s’il vote pour
le candidat de droite en croyant que lui seul pourra remettre un peu d'ordre et
de décence dans cette société, il se noie la main dans les désespérances d’une
gauche étouffée par la religion du Progrès, dont la logique de l'individualisme
libéral sape toutes les formes de solidarité authentique, sinon celles de la
charité publique. Cette Gôche détruit
l’espérance et l’organisation populaire. A présent, les libertés sont tout
aussi formelles que le bonheur demeure un phare dans les nues.
La
boucle est-elle bouclée ? Presse, électeurs et présidents se serrent la
couenne d’un silence béat… en attendant
la guerre. Chut… laissons filer le rêve de chacun dans ses bienheureuses
brumes : les huées du 11-Novembre, proférées par des crétins, sont les
cinglements des balles prochaines.
En
des signes parmi d’autres signes sur les décombres d’un monde social réifié,
emberlificoté dans les contradictions systémiques d’une économie financiarisée,
impérialiste et informe pour le commun des mortels, ce monde est totalement
inapte à gérer, par des institutions républicaines, la simple police sociale du
régime qui n’est même plus assurée par la garantie de nos monarques
républicains. Ainsi soit-il.
(rédigé le 4.XI.2013,
remanié ce jour, le 5)
remanié ce jour, le 5)
LSR
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