A nos chères têtes blondes (du privé, du public... de l'école, quoi !), par Patrice C.
De
l'enseignement privé comme guide de l'élitisme
Tous
les parents sont confrontés à la ligne directrice de l'avenir de leurs enfants. Cela ne se passe pas dans la joie et la
bonne humeur compte tenu des soubresauts intempestifs de l'Education nationale qui n'en finit pas, ou de mourir, ou de
choisir une voie acceptable et conforme aux besoins et desiderata des parents, des enfants et du pays.
Le
système scolaire français n'est pas le seul à poser problème. Des chercheurs
comme Christopher Lasch ont déjà
posé la question à propos du système américain, dans les années 80(*). Il s'agit, rien de moins, que d'une
remise en question justifiée non pas et seulement de l'avenir de nos chères
têtes blondes, mais de l'avenir du monde. L'éducation ne voulant pas se
substituer dans sa finalité évolutionniste exacerbée à celle des parents, aux
prétextes divers et variés que l'on n’est pas là pour ça et que l'on a d'autres
choses à faire, reste aux dits parents à composer avec un mammouth fonctionnaire.
Si
seulement nous avions la chance (toute
relative) d'avoir des propositions d'évolution et un cadrage des besoins
suivis dans le temps, nous pourrions espérer, sous forme de participation
raisonnée et raisonnable, à envisager des directives constructives et adaptées.
Nenni que tout cela !
Les parents se comportent comme des
directeurs d'études et les enseignants comme des directeurs de conscience. Ce n'est certes
pas en augmentant les effectifs, ni même les salaires des enseignants du public
qui doivent rester raisonnables, que l'on arrivera à la concertation nécessaire
à un progrès dans l'approche de ce que doivent être les études scolaires. Fermez le ban en ce qui concerne
l'apparent, la structure visible.
Il
est par contre un sujet plus important, et qui n'est pas méconnu mais caché, de
l'avenir de la société et de la civilisation, qui pose la question de
l'ambition personnelle déléguée par les parents à leur progéniture. Il semble
qu'il n'y ait d'ambition qu'à la hausse en milieu sociétal (par revanche ou par substitution) de la
part des géniteurs.
Foin des désirs des enfants, plus ou moins
fantasmés, la priorité est à la "réussite". Cette appellation
ne recouvre en fait, et ni plus ni moins, que la volonté (plus ou moins inconsciente) de fabriquer
des élites et qu'importe l'avenir du
monde prit dans son ensemble. La parole n'est qu'à l'ambition (quelquefois dénuée de tout sérieux) de
parvenir à intégrer la classe supérieure ou au moins moyenne supérieure. Les
besoins du monde et l'assise de la civilisation, excusez du peu, mais on s'en
fout !
C'est
ainsi qu'on délaisse de plus en plus le monde public de l'éducation au profit (le mot est faible) du cénacle du privé.
Cénacle qui ne vit que par la mise en commerce d'un savoir-faire qui n'a rien
d'encyclopédique ou de supérieur, juste de plus tranquille. La progéniture, si
durement élevée, mérite bien la sécurité et la bonne éducation. Ce qu'on ne
cache pas d'ailleurs, c'est que tout cela relève du commerce et est indexé sur
les résultats qui eux-mêmes justifient les tarifs. Pour cela, car cela
représente la porte vers un avenir qui se dessine depuis le cours préparatoire
du primaire, il en va d’un nivelage déterminé qui ne supporte pas la
discussion.
Gardez-vous de croire que les seuls moyens
financiers soient une garantie de longévité idyllique de votre progéniture en
les murs protégés de l'éducation privée. La seule option est celle de la réussite,
conformément aux critères définis par les instances décideuses. L'actuelle
tendance étant au monde des marchés financiers et des échanges commerciaux
internationaux, ne vous étonnez donc pas de savoir qu'on destine vos enfants à
être dirigés dans ces secteurs surtout riches de promesses sonnantes et
trébuchantes. C'est un peu vite oublié que le public, qui collationne quand
même à peu près quatre-vingt pour cent des élèves, est riche historiquement des
élites du monde.
Il
faudra donc, si vous persistez dans ce chemin doré sur tranche, mais trompeur
quant à sa finalité, que vos enfants et vous acceptiez de passer par les
fourches caudines des dictats imposés par l'instance supérieure (et non avouée) d'un enseignement et d'un
comportement stéréotypé aussi vieux et non avéré qu’incontournable. Il se peut
de ce fait, que vous soyez et vos enfants (!) amenés à signer des déclarations
sur l'honneur de soumission et d'abnégation.
Seuls
comptent les résultats qui imposent directement les tarifs de la scolarité. Il
n'est là, pas question de personnalité et de particularité. Un seul moule pour tout le monde, car
le monde n'est en fait constitué que par une seule classe d'individus désignés,
en dépit du bon sens, comme seule reconnue de par le monde de la réussite, de
la mobilité et de la dépersonnalisation.
Vous voulez à la fois l'enseignement et de
la sécurité, vous aurez le droit à la stéréotypie uninominale de classe.
Patrice
C.
(*)
Christopher Lasch,
La Révolte des élites -et la trahison de la démocratie (The
revolt of elites and the betrayal of democracy, 1994),
Ed. Climats, 1999 ; rééd. Flammarion, « Champs essais », 2007,
trad. C. Fournier, préf. JC Michéa.
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