(1) Ni maître, ni 'esprit de sérieux' (1)


Sous les pavés, la page.

- En finir avec le règne du culte enseignant.

Nos augustes professeurs sont devenus des boutiquiers de leurs humeurs sacralisées en des enseignements symptomatiques d’une défaite de la pensée. Finkielkraut faisait un pas de deux à leur propos, quand il va de soi que la rumeur extatique du professeur accélère le pas d’un esprit de notation, de sérieux, de compassion avec soi-même et ses failles.

Dans le paysage des cœurs la religion de l’inadvertance s’épanche un peu plus. Un couic, un hourra, un vent et un fumet nouveau peuvent épanouir la dilection du marcheur en aventures intellectuelles. Il n’est nulle mesure pour apprécier qui mérite le chapeau de clown et qui mérite la breloque de passeur. Dans les clowns, j’en propose plusieurs. Dans les passeurs, je place en premier lieu Kerouac et Daumal. Deux poètes, deux écrivains. En philosophie, Platon est ravissant à relire quand on en a le temps.

D’évidence, une plume solide et une diction parfaite émeuvent le lecteur de Platon qui se trouve pas pour autant dans l’obligation de s’embarrasser de comprendre la vraie tournure théorique de ses énoncés. L’amour, chez Platon, me paraît plus confus qu’en apparence. Pourtant, il a fixé les lignes principales. Lignes intangibles.

Pour synthétiser, Platon a ouvert les sphères, les tyroliennes qui peuvent nous permettre de franchir les contradictions du problème. Voici donc une première piste que ne révèlent jamais les professeurs de philosophie.

L’amour engage soit vers un précipice, soit vers une réconciliation. Telle sera la première maxime à creuser au plus concret. Il est inutile de préciser qu’il s’agit de l’amour pour une tierce personne qui exclut donc l’amour filial. L’amour filial est naturel. Au sens strict, il découle de l’amour en soi. Evidemment, la perversion de la filiation réside dans l’amour pour soi dans l’acte d’enfanter. Sans doute le dilemme de notre période. Voir ?

L’amour n’est pas ce qu’il paraît, une union. Il est un combat parce qu’il peut muer en crime, le crime le plus parfait qui soit. Autrement dit, l’amour aveugle les champs de tous les autres possibles d’une relation entre deux êtres attirés l’un vers l’autre. De cela il faudra examiner la possibilité de connivence ou pas avec le songe, la tentation, l’illusion.

Est-ce que l’amour relève de la caverne du Livre VII de la République ?

L’amour peut devenir l’étrange poème de l’étrangeté renouvelé avec l’extase divine. Certaines formules adoptées par les amants suscitent espièglerie, chamaillerie mais débouchent assez régulièrement sur la mise en branle d’un sentiment second : la tendresse. Entre la passion amoureuse et la tendresse, nombreuses sont les situations affectives qui dictent l’amour d’un autre amour.

Faut-il passer par toutes les étapes du cerveau en commun des amants pour que la tendresse finisse par imposer son rythme de vie commune faite de sérénité journalière ?

Les soubresauts des sentiments sont conçus comme des accidents suivis d’évidences neutres. C’est par accident que l’on est attiré par une femme, par un homme. C’est par accident que l’union se réalise. C’est par accident que la rupture consume l’amour. L’évidence de l’amour n’existe pas. Electriquement, elle est aussi neutre que les positrons dans la sphère d’observation atomique. Finalement, l’amour s’accomplit dans le creuset social, dans la rencontre de hasard. Mais un hasard objectif ! Ils sont là.

L’amour décuple les forces, les entrains, les envies de vivre et d’exister. La solitude paraît en contre-jour un mal absolu pour qui n’admet pas (ou plus) un célibat imposé par les forces sociales neutralisantes, d’où les marchés hypertrophiés par internet de la rencontre aussi vieille que les marieuses d’Afrique sub-saharienne.

L’amour tue et réconcilie. Vivre, c’est facile… à la portée de tous, tout autant que commettre l’acte reproducteur, geste si grégaire pour les espèces vivantes. Exister est plus âpre. Exister requiert l’effort pour faire de sa vie une aventure, une assomption avec le réel et le marquer d’une pierre par la création authentique. La métaphore de la minéralité n’est pas innocente ici.

Parfois, il nous est présenté l’idée générique que l’amour est la dernière aventure fertile de notre bas-monde. Il s’agissait là de tout le sens des idéologies marchandes chrétiennes de la période débattue lors de l’examen de révision du code de la famille. Quel terrain sur la planète défricher à l’ère des satellites et après tous les explorateurs ? En fait, seul le cerveau restera pour longtemps le sujet d’étude par excellence et l’amour comme sa cognition la plus précieuse dans les laboratoires.

Dans l’Eden, l’amour reste stable et symboliquement facile à démembrer. La tentation semble une évidence neutre. Elle paraît naturelle. Dieu en tire un pêché essentiel afin de pourrir l’histoire humaine de toutes les peurs et volontés de puissance ultérieures.

Ainsi, nous serions tous des Bloom, selon Tiqqun. Le Serpent rouge préfère exprimer que nous sommes tous des acculés. C’est dire l’injonction de la situation concrète sociale-historique qui cherche à nous imposer les conduites à suivre, la doxa à adopter. Le premier terme est savant et infiltre une connaissance littérale a minima de la kabbale hébraïque pour insinuer l’irréalisation de soi sans initiation ; le second terme recherche une tension entre l’ironie projetée sur la situation et le dessillement de toutes les anfractuosités de la réification qu’ingurgite au travail, à l’école, dans la famille, etc., l’être socialisé.

Etre sérieux dans le travail d’élucidation est nécessaire. Cultiver l’esprit de sérieux est un défi à la pensée et la durée de vie sur terre. L’humanité devient détestable quand elle ne cultive que cela. Notamment, nous ne cessons de mettre à nu des essais savants et/ou universitaires à l’excroissance pernicieuse de cet esprit de sérieux qui n’évite pas le piège absolu de la séduction cynique : c’est la victoire de la petite-bourgeoise de chaire. En fait, nous sommes d’autant plus des acculés que nous dépendons de cet esprit, de ces personnages dithyrambiques sur eux-mêmes et leurs petits travaux positivistes. Ils lestent la pensée, parce qu’ils dominent par le culte des manuels vite oubliés une fois les diplômes obtenus, vite pilonnés quinze ans après le départ à la retraite du fonctionnaire de catégorie A. N’est pas Jacques Ellul qui veut, n’est pas Michel Villey qui peut.

A l’instar de Lady Long Solo, je n'ai guère l'esprit de sérieux avantageusement déplacé vers l'esprit rigoureux. La vie ne m'a jamais paru très sérieuse non plus. C'est ainsi que j'aime à jouer le Grand jeu des Phrères Simplistes (Daumal, Gilbert-Lecomte & consorts) et n'entends guère les voix de Cupidon qui me semblent aussi évasées qu'une ribambelle de danaïdes dépoitraillées sous la rixe bêlante d'une giclée de balles dum-dum. Cupidon n’est que la théâtralisation mercantile de l’amour d’abord théorisé par la breloque savante. L’homo festivus l’adore sur l’autel de la drogue dure que constituent les montées d’hormones, pourtant, insistons, ce ne sont là que des répétitions de tous les corps professoraux sur la question.

Cupidon fustigé et amour grégaire transparaissaient dans mes reproches de l’esprit de sérieux. Comme quoi, la nudité de la pensée profonde s’inscrit toujours dans une ritournelle commandée par le libre-choix d’une idée tenace. Voire obsédante. Il faut s’insurger contre l’enseignement, car seule l’instruction et l’étude patiente construisent des agis libérés des maîtres et libres de créer à leur tour. Je déteste Cupidon et préfère de loin Thanatos dans la mythologie fondamentale. S’agace dès lors un sens de la rythmique. Une secousse plus insidieuse à l’esprit que toutes les tentatives d’explication s'instaure. Surgissent en vers toute concrétion.

 

{accompagnement musical : violon translucide & bercement sur les rails du grand monde ferré}

Refusons la normalité,
Exigeons l’immortalité & hurlons peu à peu envers la face cachée de la nuit,
Vers ce dernier monde,
Le dernier émondement du peu.
Parfaite éclatée,
Nonne estampillée telle la sœur,
Son bruit marie rouge & lave de ses lèvres agacée.
Qui ?

Visage marial,
Une algue gronde,
Peut-être la prière s’impose-t-elle pour nos trépassés, puisque le vent se déverse sur l’infini des pleurs.
Qui ?

Lueur de ses rayons,
Lueur de tous les bazars de l’existence immortelle par-delà la face cachée de nos vies.
Le temps s’obscurcit,
&
Le large s’épaissit.

La tourmente dilue un suc diaphane d’astres rocailleux dans une langue rosie par les fraises,
d’astres perdus & morts.
A la fin, nous sourions au vent.
 

LSR

 

 

 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ce qu'est le syndicalisme libre & indépendant du macronisme-patronat

Aristote à Chartres (statuaire)

Malheur à toi permanent syndical de peu ! (tu ne sers qu'aux fiches policières)