Lady Long Solo résume le printemps au cerveau vide de Jésus (17), par Raoul Bidard


Le désert primitif de Jésus Bellegueule servi par des jeunes filles en perdition.

C’est le printemps, Lady Long Solo a décidé de rallonger ses jupes et se monter sur talons hauts, histoire de cesser d’être observée du coin de l’œil par tous les chasseurs de femelles dans les rues de Paname-la-cinglée.

Jésus Bellegueule, lui, son sport favori reste de s’attabler à une terrasse, chemise ouverte de trois boutons au moins sur un torse bronzé et lézardé de si conventionnels tatouages totémiques de quelque tribu amazonienne. Il mate les créatures défiler vers leurs taches avec cet air si pressé de la détermination faite femme. D’ailleurs, il demeure une question que d’aucuns ne cesseront jamais de se poser sans lassitude, comment la fine et intelligente Lady Long Solo peut-elle s’arrimer aux délices beaufs de l’indélicat Jésus Bellegueule le bien-nommé ?

Par une trouée céleste, le soleil darde les Ray-Ban de Jésus. Assaisonné au whisky-coca depuis dix heures trente, le sieur Bellegueule imagine son prochain coup, son « quick », comme il dit. Il en parlerait volontiers à la Lady. Pourquoi pas la serveuse du Navy ? A moins que ce soit la tenancière de l’agence immobilière à côté de chez lui ? « Tu sais, Lady, Doub’ m’a dit que les filles de l’immobilier sont super bonnes ». Dubitative, Lady Long Solo ne relève même pas cette remarque hautement spirituelle. Elle, elle en connaît des filles du béton. Ce sont, comme toutes les filles, des princesses du vice aussi diverses que l’immobilier rassemble n’importe quelle pâtisserie : des meringues, des religieuses, des tartes aux poires…

Sur ces considérations, Lady pressent la prochaine dispute. Mais elle garde silence. Mieux, elle ouvre Le Figaro et parcourt la titraille. Dans les pages littéraires, Lapaque vante le flic Pagan. Un entretien avec Olivier Norek dévoile la recette de l’écriture de ce flic des enquêtes et investigations du 93 en disponibilité pour cause de troisième roman publié… et encore un papier sur encore un roman de Franz-Olivier Gisbert sur « la chosette », son expression favorite depuis toujours pour désigner « la chose ». Décidément, se dit Lady Long Solo, il y a pas mal d’Olivier en ce moment dans le paysage public de la vocation confite en boîte. A se demander si Olivier ne désignerait pas tout nouveau tenancier des claques à Judas.

A propos de l’Iscariote, Lady Long Solo ne se retient plus de finir son café et laisser en plan Jésus Bellegueule à ses démonstrations de footeux. Interloqué, Jésus semble crucifié du mépris de la Lady.

C’est le printemps et il ne se passe pas grand-chose. Ah si, bien sûr, la vanité du pouvoir se joue sur la déglingue annoncée de toute une communication prévisible : déchéance avortée, loi travail convoquée dans la rue de toutes les contestations. Lady Long Solo se questionne sur l’air du temps, cette fameuse interrogation récurrente des derniers mois de son ancien prof de philo Bensaïd. Six ans déjà qu’il est mort. Debout toutes ses dernières années avant la mort, entre soins, hôpitaux, rémissions et enfoncements, le dernier des trotskos en perdition a résisté jusqu’au bout à tout : les vicissitudes répétitives de toutes les circonvolutions partisanes, les conduites à risque de ses amis de la Ligue, les fréquentations douteuses de ceux-ci dans les rêts de l’islamo-fascisme. Lady Long Solon, comme lui, avait identifié l’une des nouvelles formes que prenait le fascisme à la fin des années 2000 avec Les Indigènes de la République nés dans la caillasse des pensées de la Ligue elle-même. Lire Bensaïd a déterminé la Lady à passer à autre chose que le kantisme. Elle oriente ses cours à Vincennes sur Wittgenstein.

Il a plu très fort cette semaine, il y a deux jours. Jour de manif’ contre la loi travail, Lady Long Solo a préféré garder sa couche de lectrice. Le reste ne compte guère plus que cela. La jeunesse est au final minoritaire dans la lutte. « A quoi bon » semble être la non-pensée des djeuns. Qui croire, que croire ? Les actuels vingtenaires seront les précarisés généralisés de demain.

Quel horizon pour un étudiant en 2016 ? L’enthousiasme primaire, les notes, les frustres ambitions pour le lendemain. Un job, deux jobs, un premier contrat, une relation éphémère amoureuse jusqu’à l’arrivée, de plus en plus tard, entre 27-35 ans, de cette envie de « faire un enfant », pour se « séparer » juste après et pas mal de chômage. Enfin, la terrible désillusion professionnelle dans la plupart des métiers en vue. La mode pour certains métiers est un piège. La Lady ne s’y trompe pas ; elle en avertit ses étudiants, ils ne la croient jamais. Tant et tant parmi son entourage, pourtant, quitte la sitcom de la vie sociale réifiée. Quelle époque !

Lady Long Solo remonte chez elle. Elle retire sa jupe, enfile sa tenue pour son sport favori et glisse son Laguiole à la hanche. Le printemps est la saison des amants réconciliés dans le sang.

Raoul Bidard

 

 

 

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