(2) De la politique à l'amour - parti pris subjectif (2)


Donne politique et sexualité. Quel rapport ? (2)

Que vient faire la sexualité d’un peuple dans cet examen institutionnel ?

La sexualité est le pis-aller des remontrances que l’on s’adresse à soi-même quand tout s’écroule autour de soi. La solitude des êtres urbanisés est extrême. Le marché des rencontres n’empêche pas de constater à la fois la misère sexuelle, affective et amoureuse de nos contemporains. Comme l’usage des drogues et alcools, la sexualité participe de l’illusion d’exister. Il n’est d’ailleurs absolument pas surprenant que la sexualité soit maussade, cause de nombreuses déviances et insatisfactions ontologiques. C’est pourquoi l’intromission de la marchandise et du commerce dans « l’amour » de manière institutionnalisée et entrepreneuriale en même temps confirme notre vue d’une déréliction générale, universelle et destructrice de l’être social.

La prostitution des « julots casse-croûtes » d’antan, à côté des maisons tenues pour les élites économiques, politiques, militaires et ecclésiastiques est devenue généralisée jusque dans la citoyenneté lambda de tout homme et femme. Trouver « un partenaire » devient le leitmotiv des femmes quand le mâle visite les sites d’adoption ou voyage en Ukraine pour ramener une blonde épouse élancée. L’Asie est aussi un joli marché à ciel ouvert. L’amour devient un contrat à durée déterminée. L’on vit ensemble et, à la moindre secousse ou mésentente, on se sépare. Et qu’importent les enfants enfantés pour faire comme tout le monde, pour assumer « sa féminité » ou « sa paternité ». Les enfants sont devenus des enfants de l’intermittence de l’amour. Les couples vaquent de crises en larmes, d’achats communs à des fracas collectifs. Les périodes de célibat succèdent à des périodes de libertinage tarifé. La circonvolution assassine piège l’amour dans une résistance à la durabilité. La sexualité, pour reprendre l’antienne de Houellebecq, est devenue le produit d’une lutte pour baiser entre ceux qui ne le peuvent pas ou plus, ceux qui le voudraient, ceux qui paient d’une manière ou d’une autre pour et ceux, de plus en plus nombreux, qui renoncent.

D’une certaine optique, en grossissant pas tant que cela le microscope de la société française, nous percevons des traits communs entre politique, amour et vie moderne : atomisation, institutionnalisme dévoyé en tous sens, déréliction de l’être social et hétéronomie universelle du sujet. En condensé, la solitude de tous gagne la dépression de chacun. La société civile en premier lieu. L’homme en dernier lieu avant la guerre.

A ce stade, posons la question de ce qu’est l’amour.

Dans le registre des traits qui dessinent les chemins de l’existence, il en va un qui va droit au cœur : l’amour. Mot-piège, l’amour est aussi un concept dispendieux d’énergie qui fit couler beaucoup d’encre parmi la junte des philosophes et théologiens. Nul ne manque d’entendre évoquer des livres récents de Badiou, Ferry et consorts. Arendt elle-même en a rédigé un sur le concept d’amour chez saint Augustin. Plus ténu, Freud a écrit sur l’amour les plus belles de ses conférences, dont celles prononcées en 1905. Où place-t-il le curseur de sa dépense de lignes cocaïnées ? Oui, le psychopompe drogué de la psycho-analysis (en allemand) ne s’est pas fait prier pour enseigner (« révéler » diraient ses croyants) que l’amour est au cœur du dispositif sexuel et fomenteur des troubles de la psyché. Il en va sûrement ainsi. Ce que l’on ne dit jamais, c’est que l’amour est une préséance, une forme d’atermoiement qui sert de prétexte à toutes les passivités. Les femmes en sont souvent les fertiles propagandistes ; les hommes les suiveurs les plus idiotement complices. L’amour est un château d’huîtres sur sable mouvant. L’amour n’enseigne ni n’éduque à la vie. Or, la vie est le sens ultime de l’existence. En revanche, l’amour enseigne et éduque à l’existence. Le couple amour-mort ne figure pas simplement la signature du deuil et de la fin de la consommation amoureuse. Il n’est pas non plus résumable dans la « petite mort » ressentie par les amants après les éjaculats féminins et masculins, rarement communs, tout le temps asynchrones, ce qui pour ce cas nourrit le sentiment de « petite mort » subtile enfermant l’un et l’autre dans un laps de temps très court dans une mini dépression.

Vers le manque réconcilié.

L’amour devrait, rien que pour cet argument, s’accompagner du Grand jouir, cette ultime et rare fantaisie des corps assemblés tentant de jouir ensemble jusqu’à l’extinction des forces. Le Grand jouir est une rareté, pratiqué par un mitan des plus rares et ne saurait se confondre avec le prosaïque libertinage. En ce cas, l’amour devient libérateur. En ce cas seulement, lectrice. Libérateur des énergies enfouies en chacun, homme et femme, telle une communion sacrée mais encore supplice des empoignades d’avec la trivialité de ce que sont les pénétrations les plus ternes, les plus vilement exécutées par un nombre croissant de femmes sérieusement techniciennes depuis leur prétention à l’émancipation, oublieuses qu’elles sont de la plus idoine sacralité amoureuse. Quant à la troupe masculine, la plupart s’essuie dans les femmes, persuadée avoir accompli l’orgasme de madame. Prétentieux, va !

Il est bon de ne pas omettre que l’intromission allant jusqu’à l’orgasme n’a strictement rien à voir avec le Grand jouir. Le Grand jouir n’est pas une prouesse. Certains –je me trompais- l’assimilent trivialement à une communion sacrée, ou tendant à l’être, quand d’autres l’impliquent dans une philosophie de l’être, de la rétention et de la gymnique la plus calibrée vers le soleil intime d’une foi strictement personnelle –j’avais tort, un regard a tout changé.

(à suivre)

LSR

 

 

 

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