Abus de langage en période de grève des transports
Parler de «prise d’otage » en période de grève... un qualificatif inopportun.
Chaque fois que se présente un
mouvement social dans les transports, il y a une parfaite indécence à employer
l’expression « prise en otage »
des usagers, euh… pardon, des clients.
Remarquez, sitôt qu’un journaliste tend son microphone, dès lors qu’il pose la
question, « pensez-vous être pris en
otage avec cette grève ? », la réponse fuse et rapide :
« oui, nous sommes les otages de… ».
S’il posait la question différemment, il obtiendrait assurément d’autres
expressions. Pour avoir pas mal travaillé en radio, je connais la puissance de
l’intervieweur sur l’interviewé, quelle que soit la situation, et plus encore
dans un reportage inopiné de rue ; elle entraîne les réponses que l’on
attend. Jamais aucune surprise.
Qui plus est, l’indécence de
l’expression se niche avant tout dans la réalité de ce qu’est une prise d’otage.
Sans exprimer ici un quelconque point de vue sur l’existence d’une légitimité
ou non d’une actuelle grève, ni sa nature catégorielle ou non, s’interroger sur
une expression provient avant tout du fait d’une perte de nuance pourtant
indispensable de reconnaître ici. Il est vrai, qu'une fois de plus, la direction de la Sncf en harmonie avec le gouvernement Valls ne se privent guère d'oukases et petits mensonges entre amis pour vider le débat et le soi-disant "dialogue sociale" de sa substance. Mais glissons sur ce point.
La situation d’otage, comme le
furent (le sont) nos compatriotes
durant des mois sous la férule de terroristes djihadistes, est une réalité
dramatique. Pour la victime, pour sa famille. Qui a déjà été pris en otage lors
d’une attaque de banque ou de superette n’emploie jamais l’expression d’« otage » s’il assiste à une grève
des transports. La peur, la menace sur la vie, parfois le coup de feu, rien ne
peut justifier l’usage de cette expression hors de cette situation.
Par comparaison, si les
intermittents marionnettistes des Guignols
de Canal+ font grève, dit-on qu’ils prennent en otage les téléspectateurs de la
chaîne cryptée ? Certes, non.
De fait, utiliser l’expression
« prise d’otage » lors de
grèves reste une insulte négatrice des souffrances vécues par les otages
précités plus haut. C’est encore dénier une qualité juridique de la victime
d’une prise d’otage. Enfin, elle instaure un embrouillamini dans l’appréciation
d’un état et ses incidences psychologiques sur ses victimes. L’inconvénient - ou la gêne ou l’inconvénient - n’est que
passager, vite oublié et somme toute assez rare au regard de la violence de l’otage
vrai.
A méditer, ou rouler sa langue sept
fois dans le palais avant d’énoncer une pseudo-vérité.
LSR
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