Réforme des régions : le courage des barons ! (une guerre à suivre...)
Le clou du quinquennat de François
Hollande, la réforme des régions.
Le 14 janvier dernier, François
Hollande président a annoncé une réforme des territoires susceptible d’alléger
le coût du « millefeuille »
des superstructures administratives. L’expression pâtissière en dit long. Il s’agit,
dans la volonté de notre chef de l’Etat, de « simplifier et moderniser » une organisation régionale lourde. Rien
là de nouveau. Auparavant, un comité Balladur (pour nos jeunes lecteurs : Edouard Balladur est l'ancien premier
ministre de la seconde cohabitation de François Mitterrand président, mars 1993
– mai 1995), en 2008, avait plaidé pour des régions puissantes et
compétitives dans l’ordre économique européen.
Lundi 2 juin.
François Hollande, nous dit-on à la
radio, par la médiation des « milieux
autorisés » de l’Elysée, passe sa journée devant une carte de France. A
marche forcée, Hollande président entend faire de cette réforme la relance de
son quinquennat si pauvre à ce jour, sinon en couacs et tralalas. Enlisée,
moquée, claquée dans les urnes, la gouvernance Hollande pose question. Toute la
journée, debout devant sa carte de France (oui,
oui, répétons-le), en permanence au téléphone, notre président a tremblé
avant de livrer sa copie. Pour décanter le tout, ce sera 14 régions au lieu des
actuelles 22 régions métropolitaines, des régions élargies aux compétences
renforcées dans le domaine économique et de l'aménagement, notamment. Mais ce n’est
qu’après 21 heures, lors d’une réunion convoquée d’urgence à l’Elysée autour de
notre chef sur les coups de 20 heures, que Manuel Valls et trois ministres
concernés, Bernard Cazeneuve, Marylise LeBranchu et André Vallini se sont
triturés les derniers points de vue. Fusionner des régions n’est pas une mince
affaire. Les atavismes, les traditions, les baronnies en place, les fiefs et
tout le système prébendier actuel posaient des problèmes. Jusqu’au dernier
instant, les discussions furent passionnées et le lobbying des barons
socialistes alla bon train par cui-cui
(paraît qu’on dit twitter), nouvelle
guilde de la politique française démocratique (sic).
Mardi 3 juin.
Suspense, vent debout, alerte, chaud
devant ! Plusieurs quotidiens de la presse régionale font paraître une
tribune de François Hollande président intitulée sobrement « Réformer les territoires pour réformer la France »…
rien que ça… et avec une carte des 14 régions en sus. Harry Potter n’aurait pas
fait mieux. Baguette magique, potions et sens-bon vont faire de notre contrée
bordée d’eau, tout au bout de l’Europe à l’Ouest, un nouveau pays par une
réforme territoriale. Fort, très fort ! Hier soir, ladite presse avait le
texte présidentiel mais pas encore les cartes, arrivées elles avec deux bonnes
heures de retard. La journée fut donc aussi longue qu’un accouchement sans
péridurale pour nos gouvernants quinquénnés.
Simplifier l’organisation
territoriale, pour François Hollande président, se veut un acte supérieur de
courage là où ses prédécesseurs avaient cédé. L’édile élyséen veut se démontrer
tel un « réformateur courageux » :
« Le temps est venu de simplifier et
clarifier. Il s'agit de transformer pour plusieurs décennies l'architecture
territoriale de la République (…). Il faut aller vite car il ne nous est pas
permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l'avenir du pays »,
nous confie-t-il dans son libelle d’espoir matutinal.
L'Ouest
maudit.
De l’Atlantique à l’Oural, un milieu
végétal se trouve en ébullition. A croire que les volcans auvergnats sont à l’Ouest
pour les barons socialistes. Selon des proches du dossier, Jean-Yves Le Drian, ci-devant
ministre de la Défense et ancien président de la région Bretagne, a exercé un
combat des chefs pour que cette dernière ne fusionne pas avec les Pays de la
Loire. Victoire ! L’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault, Nantais
heureux, a livré une bataille sans merci via cui-cui pour une fusion Pays de la Loire et Bretagne. Perdu ! « Les Pays de la Loire ne voulaient pas du
Centre », affirme un druide-soldat et bon connaisseur des potions
internes du PS. Ségolène Royal, la Falbala du Poitou, lorgnait sur une fusion
de Poitou-Charentes avec les Pays de la Loire. Au final, un François Hollande héroïque
tranche dans le lard : Poitou-Charentes, Centre et Limousin fusionnent.
Tandis que sept régions contre cinq prévues initialement restent elles-mêmes :
Bretagne, Pays de la Loire, Aquitaine, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Paca
et Corse. Or, nous le savons, hier après-midi papa Hollande n’en avait que cinq
sous le coude… ah, baronnies, baronnies… Il explique son cinq à sept « compte tenu de la densité de leur population
ou de leur spécificité culturelle et économique ». Atavisme toujours,
et moins d’élus pour gérer les régions !
Quid des conseils départementaux ?
Le second volet de la réforme voulue
par François Hollande comportait un sujet de taille de menhir entre les chefs
de tribus. Reçus le mois dernier, les chefs des partis ont refusé la
proposition élyséenne de supprimer les départements, jetant aux oubliettes une
révision constitutionnelle. Qu’à cela ne tienne, à défaut de majorité
suffisante au Parlement pour réviser la Constitution, François Hollande
président a enterré cette piste. A la vue de son niveau d'impopularité, il a
aussi exclu toute idée d’en appeler à un référendum, lequel se retournerait inévitablement
contre lui. Ainsi, les départements ne seront pas supprimés mais vidés de leur
substance : « L'extinction
progressive des départements se fera par étapes », glisse anonymement
un conseiller du chef. Pour l’heure, quelques compétences départementales
seront transférées aux régions et aux intercommunalités, ces prétendues garantes
de la « proximité » depuis
la loi Chevènement de juillet 1999. En résumé, ces dernières vont faire tout le
contraire que dégrossir les chapelets de fiefs éclatés. Bravo champion, moins de barons régionaux, mais plus de petits
seigneurs locaux… c’est vrai qu’on en manquait pour mailler le territoire !
Petits émoluments mais gros pouvoirs symboliques, en somme. Pour le reste,
nombreux s’accordent à dire que le président espère qu'une révision
constitutionnelle parachèvera l’ensemble de la réforme. D’ailleurs, Hollande l’écrit
clairement dans sa faconde tribunitienne : « L'objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la
suppression du conseil général en 2020. Je veux croire qu'une majorité
politique nette se dessinera en faveur de ce projet ».
Présenté en conseil des ministres
par le premier d’entre eux aujourd’hui, l'esprit de la réforme devrait
occasionner quelques sueurs froides dans les perspectives de recasement des uns
et des autres une fois revenus dans l’opposition. Le 18 juin prochain, le même
conseil des ministres examinera les deux projets de loi. Le premier concerne la
nouvelle carte des régions et la nouvelle date des élections régionales et
cantonales, repoussées à l'automne 2015. La seconde porte sur l’organisation du
transfert des compétences.
Vers une fin des conseils généraux ?
François Hollande président n’est
jamais avare de contradictions et d’emmêlements dans ses déclarations. On peut
même lui porter crédit d’un art consommé de l’ambiguïté qui laisse grandes
ouvertes toutes les portes pour ses actions futures. Ainsi, présentant ses vœux
aux Corréziens en début d’année, il avait affirmé s’opposer à la suppression
des départements. Arrivé à Matignon après la première claque des élections
municipales, Manuel Valls annonce la fin des conseils généraux, ce qui semblait
ouvrir la voie à une suppression des départements. Même son de cloche du
président, le 6 mai sur les ondes de RMC : « Les conseils généraux ont vécu ». Pour
finir, comme l’a bellement noté le député socialiste Christophe Caresche, « notre erreur, c'est que nous avons raconté
n'importe quoi sur le sujet quand nous étions dans l'opposition (…). Il a fallu
rectifier ».
- Pour ne jamais conclure en matière de gris-gris & soussous - Nous en sommes persuadés, les petits chefs départementaux, locaux, ultra-localiers, régionaux… les pourfendeurs de la nation, les fanatiques de la tradition locale des Miss et de l’identité de tel ou tel coin de France et de Navarre et ses fromages, et sa vinasse, et ses spécificités dans une « Europe des régions » (en fait le nœud gordien non déclaré de cette affaire-là)… bref, tout cet embrouillamini au sein de la famille PS… tous vont souquer ferme pour imposer leurs vues hétéroclites, hétérogènes et contradictoires. Surtout, soyons-en sûrs : le primeur ne sera pas le Beaujolais mais le cœur de leurs intérêts… particuliers, s’entend !
LSR
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