Fin du vivre ensemble, par Patrice C.
Les mots qui
tuent.
Je sors de la
douche : j'allume la radio (France-Info).
On me propose une vision du monde du travail à l'heure actuelle qui n'est pas
pour me déplaire car elle est réaliste. A savoir que les professions
s'individualisent de plus en plus, de même que les gens qui les pratiquent,
c'est-à-dire le monde en fait, et que les syndicats n'ont pas su s'adapter à la
demande de ce qu'on peut peut-être appeler évolution, prendre en compte
l'individualisme, et que les politiques n'ont pas remis à jour leur logiciel
d'appréciation de la situation morale, sociale et économique de leurs mandants.
Cela fait des
années que l'on prêche contre cette stagnation, cet immobilisme, ce
conservatisme des valeurs acquises. Bien sûr que ce serait un vrai travail,
d'introspection, d'analyse et de remise à jour des poncifs sur lesquels les
représentants des gens qui vivent de leur travail s'endorment pour leur confort
d'abord, parce que l'heure n'est jamais là ou jamais la bonne. Que la situation
générale ne permet pas de remettre tout cela sur le chantier de
l'actualisation. Surtout, parce que les forces que nous avons perdues, que le
ressenti des urnes n'est pas favorable pour qu'on entreprenne une remise à plat
des textes et avantages au risque de tout perdre. Bien sûr, si la situation
n'est plus favorable, si syndicats et élus ne représentent plus que l'ombre
d'eux-mêmes, ce n'est de fait plus le moment d'entrer en négociation pour
tenter d'obtenir plus que ce que l'on a gagné par le passé et risquer de tout
perdre… Il eût fallu y penser avant d'être débordé ! Aujourd'hui, le dos
au mur, il faut gérer et parer au plus pressé, coincés qu'ils sont. D'ailleurs,
ni les salariés ni les votants n'ont plus d'illusions. Ils l'ont fait savoir.
Dit et redit d'une façon ou d'une autre : baisse de prise de cartes et
abstention ont accélérées car, mécaniquement, plus on avance vite, plus on
passe à autre chose : à la vitesse supérieure. Largués puis ignorés par
leur "base", les
représentants officiels, les "instances"
se retrouvent bien seules et dépourvues. Moins on est fait et moins on sera en
mesure d'en faire ! Finalement, on n'existera plus ou presque.
Qu'en est-il
aujourd'hui des salariés qui sont contraints de se débrouiller seuls ? Au
mieux de former une Scop. Au pire, devenir
auto-entrepreneur avec l'argent du licenciement qui reste le seul combat
d'aujourd'hui. C'est-à-dire sortir des radars
(ce mot devient très à la mode) du
social organisé et du politique de moins en moins représentatif, sauf de
lui-même. Puisqu'ils sont seuls les gens se dém… Bien sûr que cela débouchera
sur une capilotade des droits sociaux, un abandon en rase campagne des valeurs
de solidarité et bientôt de toute ambition de répartition des valeurs morales
et économiques. Les tranches aujourd'hui presque supérieure en âge ne
travailleront bientôt plus pour les suivants qui eux-mêmes ne travailleront
plus pour la retraite des précédents. Bien sûr qu'il n'y aura plus de Sécu (la divine), car l'argent de la
rétrocession ira sur des plans épargne, des comptes fait pour ça. La roue
entraînera mathématiquement la protection sociale vraiment sociale vers des
économies assurantielles qui ne paraissent chères qu'avant l'accident et dont
on espère ne pas avoir besoin pour mieux les capitaliser.
Le grand dépouillement sociétal a commencé.
A défaut d'avoir été anticipé comme cela devait être, la dégringolade sociale,
la solidarité, l'assistance réciproque, tout cela va à vau-l'eau. Le réveil ne
sera dur que pour ceux qui feront des bilans basés sur l'antériorité. Les jeunes, eux, vivent déjà avec cette
évolution qui est passée du nécessaire au superficiel. Ils sont nés avec. Ils baignent dedans. Cela ne les étonnera pas,
ce sera leur quotidien. Ils mettront le point final à une aventure sociale qui
date de 1936 et qui leur paraît déjà dérisoire et qu'on n'enseignera même plus.
C'était une belle aventure, un bel espoir mais qui est devenu faute d'attention
et d'investissement un rêve. Il ne s'agissait pourtant pas d'Icarie, juste de
vivre ensemble.
Patrice C.
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