Francesco Baerzatti au New Morning, une extinction de palabres, par Patrice


Hors les églises, pas de musique sacrée.

Depuis quand, les arts devraient-ils être frappés de l'estampille du sacré ? Sous quels prétextes ? Sacré, étant toujours adossé à cette notion révérencieuse, respectable et immuable de spiritualité et de religion.

Ainsi, on créé des arts sacrés et des arts profanes. Une division empreinte de sectarisme, sans être exclusive, mais qui porte la marque d'une classification sociale. Il y aurait donc des arts vulgaires, primitifs (inscrits dans une culture primaire) et des arts nobles, c'est-à-dire élaborés, construits, émanant d'intelligences supérieures.

On admire aussi des œuvres d'origine socialement primitive et on reconnaît à leurs auteurs le titre respectable d'artistes, cela avec toute la condescendance et la distance bourgeoise nécessaires, mais sans leur accorder le titre sacré et l'onction adéquate.

La musique populaire est frappée de cette même apostrophe et il ne saurait être question de lui contester la valeur artistique qui est décrétée de façon péremptoire par des papes auto-proclamés que l'on rencontre dans toutes les catégories de productions artistiques. Ils ont eux-mêmes été déjà adoubés et prolongent la continuité de l'exercice.

On n’est décidément souverain et soumis que dans sa propre classe de travail. La transversalité et la valeur universelle n'existent pas.

La valeur artistique n'est pas une valeur absolue et il est mal venu de se prévaloir d’un artiste reconnu si l'on n'a pas été identifié comme tel parmi ses pairs. L'exercice est libre, la reconnaissance, elle, est codifiée.

Le jazz, qui est parvenu à se voir considéré comme un art, participe aussi, malgré sa modernité et son extraction populaire, à cette pratique discriminatoire. En France il y eut, dans les années quarante, une querelle épique qui opposait les obédiences dignes, hermétiques et gardiennes du temple face à d'autres plus modernes et qui considérait les premiers comme "les moisis". Le rock n'roll, qui est venu picorer et quelque peu piétiner les plates-bandes gardées a toujours été considéré comme le fils indigne, usurpateur et profiteur de la longue traversée du désert du jazz. Rejeté comme le fils, ou la fille s'agissant de musique, indigne. Des papys sourcilleux ne voulaient pas entendre parler de famille commune, eux qui avaient déjà eux beaucoup de mal à vivre en mauvais voisinage entre la tradition et la modernité.

Il est donc toujours hors de question, semble-t-il, que quelques notes, que ce soit de rock, viennent frayées avec les (mêmes) notes que celles du jazz. L'assemblage que vient de réaliser Francesco Baerzatti, saxophone ténor transalpin, entre la musique de Thelonious Monk et le rock n' roll ("Monk and roll"), c'est encore pour certains prétendre faire lit commun de la musique de l'un des créateurs du be-bop avec celle de Led Zeppelin ou Lou Reed, voire Michaël Jackson… et c'est encore considéré comme hérétique par beaucoup. Pourtant, il s'agit-là d'un travail de longue haleine et méritoire à l'écoute du résultat très réussi sur le plan de l'assemblage et du respect du travail de l'un et des autres.

La musique est certainement l'art qui peut le plus facilement prétendre à être ludique et créatif. Qu'il soit aussi jouissif !

 

Francesco Baerzatti joue au

New Morning

Le lundi 13 octobre, à 20 heures.

 

Patrice C.

 

 

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