Le mythe de la "société civile" dans notre temps fallacieux, par Patrice
Fable populaire.
Ma volonté est de circonvenir le langage pour mieux
l'appréhender. Mais cela ne regarde que moi, alors que je considère le moment
largement venu (à moins qu'il ne soit
déjà passé) de préciser les choses et surtout les dires qui sont proférés
comme sentences définitives.
"Etiqueté,
c'est pesé", dirait le boucher ! A partir du moment où les choses sont
arrêtées, verrouillées, c'est qu'elles ont déjà beaucoup servies. C'est avec
pugnacité que je reviens donc sur ce qui paraît être acquis, alors qu'il s'en
faut d'un usage répétitif, façon de faire entrer dans les mœurs et les
habitudes des approximations modernistes et y compris politiques.
Il en va ainsi de cette désormais considérée comme
incontournable société civile.
Prendre la peine de fouiner grâce à l'informatique
permet de découvrir qu'il existe un consensus total sur la définition. Après
quelques lectures étymologiques, on parvient à un résultat qui fait office de
généralité acquise, voire roborative.
On a envie de dire "Ah, les braves gens !" Presque étonné de me voir confronté à
tant d'unanimité et de voir mes doutes confirmés — car je doute des acquis —, je dois me résoudre à admettre que
j'avais bien cerné l'ampleur du propos. On n’est jamais trop prudent.
Je constate donc de
visu que ce que j'avais soupçonné in
situ s'avérait être le lieu communément admis. Qui plus est, pour le
bonheur du plus grand nombre, élites comprises. Il en va ainsi de la société civile. Devenu sacrée et
totémique, fleur de démocratie et avantage sociétal à bon marché, on s'est
attribué, sans trop y réfléchir, les vertus que l'on avait soi-même accordées à
l'expression au sein de la société. Ainsi donc, l'usage courant et répété aura
conféré à l'expression des lettres de noblesse langagière populaire, ce qui
créditera d'autant son vécu et du même coup sa véracité, sa fonction.
L'utilisation endémique crée la valeur et dissimule l'histoire de l'expression,
de même qu'elle évite la réflexion anticipée a minima avant son utilisation.
L'acquis n'a pas de vie, il n'a qu'une existence. Le langage devient de plus en plus
fantomatique. Il devient exercice réflexe. On finit par parler comme on
marche, mécaniquement. Il y a longtemps que le langage fleuri n'a plus cours et
que la spontanéité oratoire est devenue une éructation.
On n'échappe pas aux lieux communs et autres
perversions sémantiques. Allez dire aujourd'hui que la société civile est un agglomérat de gens qui, pris individuellement,
s'avèreront peu fiables dans la représentation de la société, c'est encourir
les foudres de la majorité ainsi constituée, donc protectrice. Cependant, quoi
de plus malléable qu'une partie d'un ensemble pour parvenir à une perversion
globale ? Faible de par sa constitution sous forme de groupe, celle-ci
n'est donc pas fiable alors que ses attendus se veulent irrévocables, car
l'utilitaire en confirme la valeur. Prétendre que tout individu peut avoir des
travers et des perversions, c'est avouer que la société n'est pas parfaite
alors qu'elle se veut solidaire dans une appréciation globale valorisante.
On peut comprendre que le générique de société civile vaille par la coutume
mais qu'il ne résiste pas à l'analyse. La revendication protectrice n'en est
pas pour autant crédible et le plus grand nombre n'est pas garantie de valeur
absolue.
Il faut donc bien comprendre qu'accorder et déléguer
force de coutume à de telles entités n'est pas garantie de salut.
Patrice C.
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