Beauf de luxe rue de Valois
Signe des temps : une Beauf de luxe rue de Valois.
L’esprit
littéraire se meurt. Pire, la langue de Marc Lévy et Nadine Morano prend des
largesses, des aises aux salons dédiés pour se relâcher. La langue française
est écorchée, se trouve aux supplices répétés dans les hémicycles
parlementaires, sur les ondes et plateaux tv.
Le
ci-devant ministre de la culture, Madame Fleur Pellerin, interrogée par je ne
sais quel media raconte avec candeur qu’elle n’a pas lu un seul roman de
Modiano, encore moins une note concoctée par son cabinet sur l’écrivain, et pas
même un livre depuis deux ans. Il est vrai que l’auteur de Villa triste (1975) n’a rien fait d’autre que d’obtenir le Nobel de
littérature cet automne. Patrick Modiano mérite de meilleurs exégètes. Fleur,
en postes variés depuis 2012, n’a le temps que de lire des notes et projets de
loi. Au moins, elle n’eut point le culot de mentir. Derrière l’anecdote, qu’on
aime à faire mousser dans la presse, il y a ici une situation emblématique qui
en révèle long et large sur l’état du pays par la lorgnette de « nos » gouvernants.
Il
est devenu courant, cependant, qu’un ministre de la République se prenne les
pieds dans son inculture affichée. Les Castoriadis et Muray n’ont cessé de
désarçonner l’insignifiance des « serviteurs »
de l’Etat qui ne font d’efforts intellectuels qu’au siège de leur carrière et
ne cherchent, par conséquent, nullement à pénétrer le sens de l’existence, des
connaissances qui forment a minima
l’esprit d’un pays.
Certes,
nul n’est obligé de lire qui que ce soit. Les livres constituent des tonnes de
volumes, dont la plupart finissent au pilon à peine six mois après leur sortie
de chez l’imprimeur. Une période de surproduction livresque ne remplacera pas l’absence
continue d’écrivains et poètes authentiques. Or, la littérature mondiale permet
de prendre du temps avec tel ou tel auteur, tel ou tel livre singulier. Prendre
une heure ou deux dans une vie de ministre, pour au moins lire quelques
chapitres d’un nouveau Nobel Français, aurait pourtant constitué un exemple de
zèle pour l’hôte de passage de la rue de Valois. Après tout, décaler un dîner
en ville, passer une soirée pour respirer, souffler, s’imprégner d’une autre
lecture que des notes politiques instillerait davantage de sérénité et de
vision politique à terme que la pure technique.
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L'art dérisoire dans les jardins de Paris... ou la culture du déchet. |
Au
sommet des pouvoirs publics, là où vivent « nos » représentants des gouvernants, nous avons des hommes et
femmes robots inconsistants, perméables aux préjugés élaborés du temps qui passe et
interchangeables à souhait. Ils sont façonnés dans l’humeur de l’éphémère, du
règlement administratif et de la stricte contingence aléatoire pour le maintien
de leur petit maroquin, ce sommet de leur existence spirituelle. La profondeur qui
les attache s’avère le néant.
Nicolas
Sarkozy avait fait en son temps polémique en affirmant qu’on pouvait se passer
de lire La Princesse de Clèves (1678),
de Madame de La Fayette, pour aspirer à passer un concours de la fonction
publique. Il s’agissait pour lui non de conspuer la littérature ou l’esprit de
culture acquise et d’appréhension de sincère critique, mais bien de distinguer
les nobles et moins nobles tâches humaines.
« Ma pauv’e dame, à quoi bon lire un vieux
livre pour balayer les couloirs du Conseil général ou pour contrôler des
feuilles d’impôts ? ».
Avec
Nico Ier, nous avions là l’expression de l’honnêteté du mépris de classe, non
du mépris pour la culture littéraire. En vue de devenir Nico II, le candidat éternel entend nous faire
croire qu’il lit désormais beaucoup pour se retrouver, dont Céline et
Beaumarchais, afin de mieux réfléchir sur le monde et le sens de l’intérêt
d’une conduite politique au plus haut niveau. Avec Fleur Pellerin, nous n’avons
plus simplement un mépris de classe mais le mépris tout court pour tout ce qui ne
favorise pas l’entretien d’une carrière, du sentiment d’impunité humaine de
vaquer dans le vide, d’une préférence pour les mondanités pour ledit entretien
de la carrière et le choix scrupuleux des toilettes et, surtout, le jack-langisme, cette engeance engageante
pour le tout est culture pour tous.
En somme, l’insignifiance placée au panthéon des folies technicistes qui phagocyte
un certain sens de la provocation cynique dans des expositions de rue
inconsistantes. Tant que cela fait jaser, c’est bon pour la notoriété.
Pour
gouverner aujourd’hui, il n’est besoin que de réseaux, de notes, de fiches, de
bonnes relations entre soi. Nos « élites »
sont formées à la sueur des QCM, à la ritournelle communicationnelle des
canailles. Rue de Valois, et pour élonger un titre de Modiano, nous avons enfin
les « fleurs de ruine »,
des beaufs raffinés et in. C’est hype, l’inculture en bandoulière… toute
une forme du cynisme cruel qui sied si bien à cette bourgeoisie technocrate
écervelée.
LSR
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