Musique & époque, par Patrice C.

 
A Lou
 
La musique a toujours été de deux sortes : celle que l'on entend et celle que l'on écoute. Celle sur laquelle on danse et celle sur laquelle on ne danse pas.
Lou Reed, festival Confluence, 9 juin 2012


Il y a toujours eu une minorité de musiciens qui produisait comme des artistes et quelque peu pour des artistes, plutôt appelés intellectuels ou cultivés, et l'autre qui n'était que le résultat d'un procédé commercial. L'une dépendait, car elle a été créée pour ça, du mercantilisme qui l'a enfanté, l'autre préférait si ce n'est la misère au moins une exposition moins forte aux turpitudes qui découlent du commerce.

A l'époque où le rock'n'roll a vu le jour, la discrimination avec une musique violente et de voyous a été montée de toutes pièces par les tenants des profits facilement réalisés au détriment de toute ambition artistique. La scission a été entretenue par la bourgeoisie qui ne voulait pas voir ses chères têtes blondes se fourvoyer avec "ces gens-là", conscients qu'ils étaient que cette musique pouvait déboucher sur un style de vie qui risquait d'emporter leur progéniture et leur société.

La progression dans la connaissance du rock fut donc longue, bloquée qu'elle était sur le plan de la diffusion. Il a fallu attendre le milieu des années 60 pour qu'apparaisse un rock'n'roll rouleau compresseur venu d'Angleterre et la multiplication incroyable du nombre des groupes musicaux relayés par les radios pirates. Les commerçants et profiteurs en tout genre n'ont pas hésités plus longtemps devant l'avantage pécuniaire que cela pouvait amener. Foin de morale et de culture "à la papa", on va faire du fric avec "ça".

C'est ainsi qu'alors que les jeunes bourgeois français, maintenus dans l'ignorance de ce qui existait comme nouveauté, se contentaient des zézaiements des yé-yé français, d'autres creusaient leur différence en écoutant la musique anglaise. Qualifiée de pop-music, toujours pour à la fois faire populaire et ne pas effrayer le bourgeois, c'est en fait le rock qui a profité de l'aubaine en avançant masqué. Les Rolling Stones ont suppléés et contrebalancés la douceur acceptable des Beatles qui passaient pour des jeunes gens de bonne famille par rapport et pour le besoin de leur opposer les voyous de Rolling Stones. Le blocage sociétal a en fait été balayé par l'appât du gain, malgré tous les efforts fait pour freiner l'importation des disques made in USA ou GB, au détriment des piètres imitateurs français qui continuaient à faire de la musique qu'on entend.
Lou & Nico

Cette déferlante avait bien sûr des origines plus sombres, moins avouables. Les musiciens anglais s'inspiraient des rockers et bluesmen américains ainsi que de la culture alternative naissante. A défaut d'être compris, les textes reflétaient quand même un contenu quelquefois sulfureux et l'impression était vécue à défaut d'être comprise, et cela ne trompe pas. C'est ainsi que sont nés des groupes comme Velvet Underground dont les textes n'avaient rien de bluettes, de même que ceux des Stones en plus directs, incisifs, violents. Comment les chérubins pouvaient-ils effectivement être ou devenir sensibles à une forme d'art hors calibre standard alors qu'ils étaient allaités par des textes sirupeux et dégoulinants de bêtise proférés par des copies comiques de la modernité ?

La montée en puissance d'une jeunesse plus évoluée, instruite, curieuse et volontaire, simultanément aux "événements" de Mai 68 a permis l'émergence et la connaissance de cette nouvelle création artistique, tant musicale que picturale. Ecouter Velvet Underground ou Frank Zappa devenait aussi la référence d'une appartenance quasi ethnologique. Seuls les curieux sont récompensés de leurs efforts. Les autres végètent…

Encore merci à Lou Reed qui, à l'occasion de sa mort, fait le buzz tous médias confondus. Belle revanche pour un artiste maudit, encore un !
 
Patrice C.
 
 


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ce qu'est le syndicalisme libre & indépendant du macronisme-patronat

Aristote à Chartres (statuaire)

Malheur à toi permanent syndical de peu ! (tu ne sers qu'aux fiches policières)