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Peuple : la ruse du people pour le nier

Les zélés gourous de la République version Montagnards du Marais de gauche l’ont scandé à tue-tête : le référendum du 29 mai 2005 « a marqué le retour du peuple », écrivait notamment un ex cador socialiste d’X, ancien député parmi mes vagues amis de circonstance quand j’avais un micro et passé désormais aux maroquins d’Attac. Depuis, les évolutions de la langue courante employée par la presse portent le reflet d’une situation concrète : en créant le rideau de fumée de toute vie publique de nos élus sous la mise en scène du « people », il fut de la sorte décidé de biaiser avec le sens du vote du peuple ainsi balayé d’un revers versaillais, le 4 février dernier 2008. L’enjeu de la ruse : la marche forcée de l’Europe domestiquant la souveraineté nationale et populaire du peuple sous caution d’un Traité dit « simplifié » européen.


Ce texte un peu remanié & de peu a paru en son temps (2007 ou 2008 ?) sur le site du Groupe  « République » du temps du règne de Sarko Ier.

 

Dans l’imaginaire créatif, le peuple ne saurait se confondre avec la foule ou la populace. Notion plurivoque du vocabulaire politique, son usage suppose une échelle des valeurs dépendante des sensibilités politiques et idéologiques, en premier lieu si l’on se place du point de vue de la République ou de la réaction envers elle.


Au long de notre histoire, le peuple peut s’identifier à l’ensemble de la nation ou seulement concorder avec des catégories sociales défavorisées au plan matériel. Depuis la Révolution française de 1789, le peuple victimaire est devenu le peuple porteur des espérances des émancipations de tous. Plus récemment, la période l’a exhibé et ignoré tout à la fois. Le sens de la notion évolue selon le rythme des mutations sociales et idéologiques. Ainsi, la littérature escortait ces évolutions paradigmatiques dans les fresques de Michelet d’un peuple héroïque et souffrant, chez Péguy dans son rôle moteur de l’épopée nationale, puis dans les romans d’un Zola ou d’un Jelinek où « peuple » rassemble les exclus de tout horizon d’attente collectif dès lors que la politique ne se fonde pas sur la réalité de sa base matérielle.

Depuis qu’une certaine manière de concevoir la politique, en France, veut dissoudre la fondation des principes républicains, des candidats à des élections nationales rusent avec la carence de leur bagage éthique pour substituer à l’acte décisionnaire la prose de leur seule individualité résumée en actes de communication.

Ce défaut ne provient pas de leur modernisme supposé ou d’une quelconque avanie intellectuelle. Dans un cadre légal où la souveraineté nationale s’efface depuis la ratification du Traité de Maastricht (1992), les mandatés aux fonctions les plus hautes du pouvoir exécutif sont devenus les sujets d’un conflit entre intérêts privés et amincissement du pouvoir de leur propre peuple (dont ils tiennent prétendument le mandat).

Nul étonnement dès lors que le terme journalistique anglo-saxon « people », lequel désignait les pages des magazines consacrées aux actrices et héritiers souvent décadents dans leurs mœurs, soit devenu celui qui qualifie les comportements de communicants de nos champions à la récente élection présidentielle. Ne plus tenir son mandat du seul peuple souverain, mais le cueillir d’entreprises puissantes et de groupes opérant leur partition singulière dans la lutte pour le repartage du monde, modifie amplement la donne politique nationale.

« Tout pouvoir est un don de confiance –nous sommes redevables de son exercice- tout doit jaillir et exister pour le peuple », rappelait B. Disraëli, député britannique devenu chef du parti tory à partir de 1848 et fin observateur de la Révolution en cours chez nous, ainsi que la montée des organisations ouvrières honnies dans son pays. Il lui semblait vital de répondre à la misère criante du peuple par des lois sociales pour tenter de gommer ses légitimes aspirations au socialisme.

Or, depuis la défaite du camp socialiste à la fin des années 1980, la classe dirigeante n’a plus recours à ce leitmotiv de répondre au peuple désorienté. Une lutte d’ensemble est-elle possible, des perspectives organisatrices du peuple sont-elles souhaitables ?

Répondre à ces questions revient à tirer les enseignements de deux exemples anciens, pris parmi d’autres. Avec les luttes revendicatives de 1995 (mouvement de grèves contre le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale, des régimes spéciaux et le contrat de plan SNCF), puis les rassemblements avortés autour du non au référendum portant sur le Traité constitutionnel européen de mai 2005, il devient utile de nourrir les analyses de la situation nationale et internationale, et concomitamment salutaire est-il besoin de fédérer le peuple autour d’une orientation politique générale et de perspectives communes à seule fin de redresser son initiative : la République unissant ses aspirations historiques. Rêverie éveillée, allons bon…

Car détourner les victoires partielles du peuple, après le renoncement de Juppé face à des syndicats recuits de prébendes corporatistes, puis la victoire du non en 2005, se paie aussi cher qu’une surexposition aux UV partisanes. Réexposer les vues d’une contre-réforme de la Sécurité sociale ou la ratification du Traité de Lisbonne, à l’issue de la réunion du Congrès de Versailles du 4 février 2008, organisèrent à la fois le démembrement de la politique et le mépris du peuple. Or, nous le savons avec Rousseau, qui fut l’inspirateur de nos pratiques constitutionnalistes originaires, « la souveraineté […] consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point […] Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires […] Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. »

A défaut, la révolte gronde et le peuple a le devoir de reprendre son initiative historique sournoise.


OP, pour LSR

 

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