Enseigner, un métier au risque du bornage, par Patrice C.


De l’enseignement comme d’une corrida

IL suffit d'avoir la connaissance ou la charge d'un enfant en âge scolaire pour savoir et se rendre compte de la complexité de ce que cela représente comme temps passé et comme luttes qui ne sont pas gagnées d'avance.

L'ennemi, car il s'agit bien de le voir comme ça, existe. Il sévit même et depuis longtemps. On pense confier l'avenir du monde à des gens compétents, dévoués, faits pour ça… Je t'en fous ! Il faut faire avec un système qui n'a rien d'angélique, contrairement aux enfants qui eux le restent le plus longtemps possible et parce que nous les aimons comme ça… et on se trouve confronté à une entreprise de déstabilisation. Certains pays ont connu et connaissent encore des machines à décerveler. Nous, nous sommes face à une machine à broyer.

Le système claudiquant, brinquebalant, hésitant, repose d'abord et avant tout sur la bonne volonté. C'est une valeur qui ne veut plus dire grand-chose et qui est largement absorbée par une époque largement faite d'aigreurs et d'individualisme. Toute situation où il est nécessaire de s'investir à titre personnel voit pointer, de façon mécanique, sa propre construction personnelle. C'est le moment où refont surface les valeurs, les priorités, les appréciations personnelles de la situation. On ne peut pas demander aux enseignants d'être des machines à enseigner. Peut-on espérer qu'ils seront assez formés et assez imbus de leur mission pour ne pas être sensibles à leur subjectivité personnelle ? Dans ce genre de profession, il faut savoir faire passer l'autre avant soi. Et c'est pas gagné ! L'époque n'y aide pas et certains trouveront toujours un bon prétexte pour faire reculer l'échéance de cette prise de conscience. En l'espèce, tout est bon…

Nos "chères têtes blondes" (celle-là, on n'y échappe pas !) se voient donc confier chaque matin à des professionnels chargés de les instruire. S'il ne s'agissait que de cela, on aurait de la considération pour la profession et ses pratiquants. Il faut malheureusement en revenir à l'aspect humain de la chose. Celle où la personnalité de l'enseignant reprend le dessus et devient une variable incontournable. Le programme est sur la table, les enseignants devant celle-ci et les élèves derrière. Le décor est planté. La nature reprenant ses droits et la profession ses obligations, il ne faut pas qu'il y ait télescopage avec la nature des élèves. C'est du moins ce que l'on vous dit. Ce qui signifie que tout élève ne se comportant pas conformément à une stricte neutralité sera considéré comme "ennuyeux", voire perturbateur. La science de la gestion des effectifs n'étant pas exacte, l'enseignant ne souhaite qu'une chose, que ses élèves soient des plantes vertes yeux et oreilles grands ouverts et, si possible, que dans l'ordre et la discipline, il participe au cours en se manifestant délicatement.

Les parents peuvent être informés sur place s'ils le souhaitent, ou ils auront chaque trimestre l'"analyse" du comportement de leur progéniture via le bulletin scolaire. C'est là où la situation se décante et devient potentiellement dangereuse, car il y a "appréciations" non seulement du travail, mais aussi du comportement des enfants. Tout cela gravé de façon subjective et indexé sur l'humeur du moment de l'enseignant. Car on ne fait pas abstraction de sa nature, fut-on enseignant. Ce carnet scolaire n'est ni plus ni moins que ce que fut au XIXè siècle (soit deux siècles !), le carnet de l'ouvrier. Toute remarque disgracieuse était mentionnée et pouvait vous entraîner sur le chemin d'un rejet patronal. Le cas est exactement le même pour les élèves, qui n'en sont bien évidemment pas conscients avant d'être adultes. C'est ainsi que par la gestion humaine très approximative des enseignants, des enfants se retrouvent "cassés" pour la vie, car seul le fameux bulletin fait foi et sert de passeport ! Il s'en faut d'une bouffée de chaleur des enseignants pour que des vies soient contrariées au prétexte subjectif de discipline et qu’enseignement ne veut pas dire éducation.

Tant que perdurera ce système coercitif, il faut savoir que la moitié au moins des élèves peut voir sa destinée basculée dans l'horreur de la non réussite de son existence à venir.

Patrice C.

 

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