Pourquoi une mentalité d'assistés des syndicalistes du service public ? par Patrice C.


Culture d'entreprise

Initialement destinée à fidéliser et agglomérer les salariés autour d'un projet et d'une identité dans le travail, le retournement de situation se démarque en fait d'un droit souverain des travailleurs acquis en 1936 et depuis tombé en désuétude.

On passe des droits acquis au travail, après de longues et méritoires luttes ouvrières, à une refondation beaucoup moins philanthropique de l'adhésion à un projet d'entreprise. L'essoufflement de la mobilisation pour la reconstruction et le renouveau du pays était passé et il fallait à la doxa patronale un nouveau cheval de bataille pour mener à bien l'adhésion des salariés aux projets des entreprises modernes. L'époque n'était plus teintée de nationalisme et de priorité identitaire nationale, elle avait basculée dans le besoin d'être compétitive. Pour cela, rien de tel qu'un développement de l'entreprise privée. Le but, désormais, n'était plus seulement d'exister en tant qu'entreprise, mais en tant que vecteur de profits. La reconstruction de l’après guerre était la victime dépassée de l'avenir marchand. Aux prérogatives largement accordées sous le Front populaire — avec la bénédiction d'un Etat dans le besoin de main d'œuvre et de relance de l'économie — qui avait confondu solidarité avec avantages sociaux, on trouvait désormais dans les années soixante l'appât du gain individualisé et potentielle propriété de qui saurait s'en saisir. La fraction publique-privé venait de voir le jour.

Installés comme chez eux dans des entreprises prioritaires aux besoins du pays, les salariés du public s'en allaient travailler "chez eux". Erigées élite du redressement national, les entreprises nationalisées ont bel et bien participées à la fonction qui leur était dévolue, créant par là même une catégorie de salariés protégés des incertitudes de l'avenir. Forts de ces "citadelles" ouvrières, les syndicats en construction et en rénovation n'ont eu aucune difficulté à conforter leurs théories sur un terrain qui leur était acquis au-delà de tout risque de pression contraire. La situation dans les entreprises publiques était telle que cela constituait des "fiefs" où les salariés pouvaient — et c'est tant mieux — s'exprimer sans risque de perte d'emploi, puisqu'ils bénéficiaient du statut de fonctionnaires de l'Etat qui leur avait ouvert une perspective illimitée et prioritaire de travail d'intérêt national.

Aujourd'hui, nous sommes amenés à constater que tout cela date un peu, tant dans les mentalités que dans la rentabilité nécessaire au progrès et à l'adaptation de toutes les entreprises au marché international. L'Etat ne peut plus subvenir comme en situation prioritaire et urgente, et ne peut plus se disperser dans ses priorités. La lourdeur de gestion qu’avait induites les "forteresses" ouvrières, ne se trouvait plus dans le calcul d'une évolution compétitive. Compétition rendue incontournable par le coût de l'assistance financière de l'Etat à ces entreprises pionnières de la reconstruction de l'après Seconde Guerre. L'Etat se devait donc de ménager les "anciens" héros de la reconstruction, et en même temps d'affronter les "temps modernes" de plus en plus assoiffés de profits nécessaires à la compétition mondiale.

La question a rapidement émergée de la privatisation d'un parc d'entreprises qui ne faisaient plus qu'entretenir les acquis mais n'arriveraient pas à se hisser, dans les mêmes conditions économiques, à la hauteur des besoins mondialisés. Il a fallu arriver à considérer qu'il était désormais acté que seule la compétition sur des bases égales pouvait se faire. La privatisation pointait inexorablement son nez. A petits pas, l'Etat prend le virage de la "rénovation" de son cheptel nationalisé, c'est le cas dans toutes les entreprises bien connues de nos parents et grands-parents. Seules les entreprises institutionnelles sont inamovibles, car elles participent aux droits régaliens de l'Etat (finances, sécurité, stratégie), les autres peuvent basculer dans le domaine public. C'est à la fois souhaitable sur le plan économique et sur le plan du développement en continu.

C'était sans compter avec les prérogatives gagnées de hautes luttes dans les entreprises publiques par les salariés et leurs représentants. Les salariés se retrouvaient en fait protégés non seulement vis-à-vis de leur employeur qui est l'Etat, à qui ils continuent de demander la reconnaissance du ventre, mais aussi de la part des syndicats confortablement installés sur des rentes de situation d'existence sous couvert de protection des acquis. L'Histoire n'étant pas là pour nourrir son homme, il faut donc passer à une privatisation des "fiefs" historiques. Cela ne pourra se faire que progressivement, car les intéressés restent vigilants quant à leurs acquis. Il faut donc compter actuellement avec un renouvellement progressif des structures humaines et du système de fonctionnement. Le bât blesse concernant la réaction des salariés qui, à défaut de se sentir soutenus par leurs entreprises, se retournent vers leurs syndicats. Nous assistons donc à une double ligne de défense, à la fois des droits collectifs qui sont appuyés par les syndicats représentatifs et légitimes, et d'une mentalité que l'on pourrait qualifier d'assistés.

Etonnez-vous après cela que la SNCF ne soit plus la reine de l'heure exacte et que La Poste ne soit plus fiable quant à l'acheminement de votre courrier qui risque, comme les trains, de devenir très aléatoire…

Patrice C.

 

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