Mutualisme, syndicalisme... la décadence instituée


Gabegie généralisée en « démocratie sociale ».

Nous ne pouvons dissimuler un vague dépit somme toute attendu face aux dérives de toutes sortes que nous observons concernant les institutions censées au moins défendre ou protéger les salariés. Au premier chef, un constat est fait : les organisations syndicales, les mutuelles, les organismes de prévoyance marquent leurs actions et pratiques par la seule gestion financière. Ces organisations se sont soigneusement institutionnalisées et ont largement dépassé leurs seules obligations de gestion de trésorerie : là aussi, la finance a pris le pas. Et bien entendu, corollaire naturel, nous disposons désormais d’une institutionnalisation des prébendes, d’une sorte de professionnalisation avérée de « fonctionnaires » des organisations syndicales et des mutuelles assumant leur existence dans un confort matériel et intellectuel enviable.

L’adversité dite de classe, surannée dans les têtes de ses dirigeants, a été substituée par les dogmes de partenariat (social) et de compromis (de gestion). A jouer de manière ténue avec les règles de la bienséance républicaine, des normes de la politique instituée par les tenants de l’entreprise politicienne, les mutuelles et syndicats des salariés sont devenus des instances de cogestion permanente pour les accords nationaux interprofessionnels (ANI), l’apparence d’une gestion et direction paritaire des organismes de la protection sociale du pays. Le caractère d’échevinage de l’organisation juridictionnelle de la prud’homie, par l'évolution historique du Droit ouvrier devenu après la Seconde guerre mondiale Droit du travail, doublée d'une pratique à la fois contestataire excessive sans devenir force de réelles propositions pour les salariés, quand elles l’ont réalisé pour gérer leurs prérogatives sociales dans l’entreprise et dans les organismes sociaux, tout cela a contribué durablement à transformer le syndicalisme et le mutualisme en une profession à part entière.

Dès 1865 (déjà !), Karl Marx pouvait affirmer, à partir de son observation (in : Salaire, prix et profit, Ed. sociales, 1969, p. 74) :
« Les syndicats agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiètements du capital. Ils manquent en partie leur but dès qu'ils font un emploi peu judicieux de leur puissance. Ils manquent entièrement leur but dès qu'ils se bornent à une guerre d'escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d'un levier pour l'émancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat ».

Cette observation, parmi d’autres, peut servir de repère pour deviner que personne n’a véritablement pris à bras le corps la question de la remise en cause du salariat dans les entreprises syndicales. Au contraire, ce sont davantage les penseurs libéraux et les organisations patronales qui ont songé, de leur point de vue, à une suppression progressive du salariat par la substitution du droit commercial au caractère du contrat de travail.

En droit, le contrat de travail est défini par la doctrine et la jurisprudence : « le contrat de travail est une convention par laquelle une personne physique s’engage à mettre son activité au profit d’une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération » (définition des professeurs Pelissier, Supiot et Jeammaud, Camerlynck, partant de la décision de la Cour de cassation, chambre sociale, rendue le 22 juillet 1954).

De là, il en ressort trois critères cumulatifs du contrat de travail : une prestation de travail, une rémunération en contrepartie de la relation de travail et un lien juridique de subordination. Si l’un des trois critères saute, puisque les trois critères sont cumulatifs en droit, c’est tout l’édifice de la définition, puis de la qualification du contrat de travail alloué au salarié, qui disparaissent.

Dès lors que l’on induit des critères d’objectifs à tenir, où que l’on substitue malignement un lien de subordination commerciale, on revient forcément au droit commercial qui lie employé-employeur, au contrat de louage de sa force de travail, parfois aux pires subordinations du travail à domicile le plus rétrograde. De même, naît le travail indépendant et surgit le contrat commercial entre un travailleur et un employeur-client ou donneur d’ordres, par la fameuse mise en place des travailleurs non-salariésTNS- institués par la loi de février 1994, dite loi Madelin qui, certes, a soutenu son encadrement légal pour sa protection sociale, notamment.

Au plan politique, l’institutionnalisation des « partenaires sociaux » majoritaires (nous passons sur les dispositifs récents, dont la loi d’août 2008 portant « rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ») statufient la professionnalisation du syndicalisme. Elle sert l’intérêt majoritaire des forces hostiles à une conduite émancipatrice.

Au plan social, il devient notoire que les permanents et salariés des organisations syndicales (des comités centraux d’entreprises, etc.) démontrent à quel point la voie est plus lucrative et éprise de symboliques d’un pouvoir sur les inférieurs que sont les adhérents et travailleurs non syndiqués. Qui a un jour visité les bourses nationales du travail de la rue de Paris, à Montreuil-sous-Bois, de l’avenue du Maine ou de la rue de la Villette, à Paris, n’a pu que voir beaux bureaux, belles conditions d’exercice des mandats, voitures rutilantes mises à disposition… et taux de Légions d’honneur affichés aux boutonnières des vestes et tailleurs supérieur à ce qu'on aperçoit chez les parlementaires Français. Certains, sans doute mal intentionnés en esprit, disent sans vergogne que ces rosettes rouges sont données « pour services rendus au patronat ». Le Serpent rouge n’ose le croire, pour sûr !

Parce qu’il faut conclure et ne pas radoter plus avant, il paraît nécessaire de transmettre le message suivant à ceux qui ont encore (la) foi en les désintéressements dévoués des syndicalistes en « démocratie sociale »… pour en finir avec la cécité généralisée, il devient louable de ne pas louer sa force de réflexion.

LSR

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