Voter aujourd'hui, par Patrice
L'incroyable autosatisfaction
des éligibles.
Elire ses représentants reste le geste le plus citoyen
qu'il soit donné de faire. Les démocraties reposent sur ce préalable conquis de
hautes luttes et qui fait rêver ceux qui en sont encore privés. Obtenu après
forces batailles, ce droit inaliénable devient un pastiche de ce qu'il est
censé être.
Après avoir acquis ses lettres de noblesse, le vote du peuple est continuellement en
perte de vitesse. Toutes les analyses qui suivent une élection font la
remarque qui consiste juste à remarquer que "le peuple a voté", bien peu se penchent sérieusement sur le
pourquoi et le comment du résultat. Les chiffres s'alignent qui flattent les
vainqueurs d'un scrutin et réconfortent les vaincus. La victoire est ainsi
toujours méritée et la défaite méritoire. Les analyses qui découlent d'une
élection sont qualifiées de prévues
par les premiers arrivés et de consternantes
ou sont mises en attente par les
autres. Finalement, il n'y a guère de
vainqueurs et de vaincus. L'un s'y attendait, les autres s'en doutaient… On
se demande où et comment cela s'est joué tant cela semblait prévisible. Ne pas
le reconnaître, c'est mentir. L'incertitude
n'existe pas s'agissant de l'expression des votants, ils sont acquis, quoiqu'en
disent les éligibles qui ne trompent que l'opinion. Le sentiment public est
souvent clairement exprimé avant l'expression du suffrage. Il semblerait que
lors d'une consultation sur un sujet, on obtienne plus de participants que lors
d'une consultation concernant les représentants porteurs d'un programme. Le
vote est plus impersonnel, ce qui tend à prouver qu’il n’existe plus ou moins de
confiance dans le personnel politique.
Ce qui fait encore le piment et l'incertitude d'une
élection, ce sont les abstentionnistes. Il n'y a plus d'indécis. Le peuple
aujourd'hui se répartit entre les motivés et les insatisfaits. Les premiers
étant de plus en plus dominés par les seconds. D'où vient cet inversement de la
participation et de l'abstention ? A coup sûr d'un déficit de crédit des
prétendants. L'époque n'est plus épique depuis longtemps et l'enthousiasme
s'est éteint au fil d'une démocratie rassurée et redondante. Il
faudrait bien des choses pour que le peuple soit encore étonné ou intéressé, et
ce n'est qu'à cette condition-là qu'il se manifeste. L'exercice démocratique
est devenu d'une tristesse aussi enthousiasmante qu'un enterrement… Si mobiles
et motifs existent encore et peuvent éventuellement se justifier, c'est dans la
qualité de la représentation qu'il faut rechercher les explications. Elles sont
diverses et variées et bien connues, mais très communes et devenues sans
intérêt tant elles sont généralement répandues, toutes tendances confondues.
C'est donc parmi les porteurs de projets qu'il faut rechercher les motifs du
désintérêt.
On s'étonne désormais de constater que les prétendants
aux mandats se satisfassent d'un taux de participation et de votes exprimés
aussi maigres. Cela ne fait qu'aggraver le ressenti que l'on peut avoir de
constater qu’ils savent se contenter d'aussi peu alors qu’ils doivent viser à
satisfaire une majorité. Les exemples se multipliant, ils confirment à chaque
fois que, finalement, la recherche d'une représentativité est peu de chose et
que seul compte le résultat d'être élu, peu importe comment il a été obtenu, ce
qui décrédibilise d'autant la valeur des scrutins et les motifs qui les
génèrent. Ainsi, exhiber un "score"
de plus de 50% revient-il à se contenter de peu, ce résultat ne dépendant que
du nombre des suffrages exprimés. C'est faire abstraction du nombre d'inscrits
qui seul est représentatif de la population concernée et du nombre de votes
blancs ou nuls qui manifestent une volonté de participer, mais une
insatisfaction vis-à-vis de celui (celle)
qui se propose aux suffrages.
L’attitude des politiques repose aujourd'hui, de la
part des impétrants, sur une satisfaction à peu de participants, ce qui
relativise d'autant les perspectives d'avenir de l'exercice et aggrave le
décalage entre mandant(e)s et mandaté(e)s.
Patrice C.
Commentaires
Enregistrer un commentaire