Le bobo de France, un jouisseur dans la guerre
La
bourgeoisie-bohème et l’esprit de Munich
aujourd’hui.
Il est un terme qui se pratique à
toutes les sauces des conversations intimes ou discussions publiques, et qui
est un peu pénible à l’oreille mais porteur de significations aussi diverses
qu’il est employé par tout à chacun : j’ai dit bobo(s).
Abréviation de « bourgeois et bohème », bobo veut caractériser un pendant de ce
que Philippe Muray a appelé l’homo
festivus qui n’est rien d’autre qu’un homo
faber s’étant désintégré dans le souci de tout rendre joyeux au plan
personnel et collectif afin de ne se poser aucune question de manière sérieuse.
Surtout pas les questions qui fâchent. Les questions politiques simples : l’au-delà
de la démocratie formelle, le devenir de la famille, qu’est-ce que l’Etat, Dieu, la guerre, le
travail, la protection sociale, l’orthographe… Pour lui, il faut jouir de tout, de rien, ne penser qu'à soi et, surtout, surtout, s'enthousiasmer de tout et de rien et en cultiver autour de soi la religion.
Le bobo se rencontre généralement dans les contrées urbaines. Il se
multiplie avec un train de vie auquel il croit autant que son vote. Le bobo a
passé quelques années sur les bancs d’une fac, a fait la teuf et pense avec préservatifs parce qu’il trouve Ardisson tendance et ne
rechigne pas à trouver Valls et Sarkozy cools, selon la disposition calorifique de
son intestin grêle. Le bobo se joue
d’urbanité à la coule, feignant d’adopter des mœurs villageoises dans son
quartier de grande ville déserté par les couches populaires qu’il colonise en y imposant ses
consommations un brin singulières et ses aspirations politiques
abracadabrantes, tels l’écologie, le tiers-mondisme revisité par l’humanitaire
en bréviaire et le gauchisme moral, à savoir un libéralisme affiché dans ses mœurs relâchées cumulé
avec un dirigisme dans ses pratiques et propos politiques. Le bobo refait le monde les petits soirs de beau temps, le cul par terre le long du canal Saint-Martin, buvant du vin entre potes. Ses conversations métaphysiques trouvent du génie en Eva Joly ou Tony Blair et paroles d'évangile dans les éditos de Vanity fair ou des Inrockuptibles. Pour venir, le bobo a pris les trottoirs en trottinette parce qu'il ne faut pas polluer, casque audio Beat vert fluo sur les oreilles (ça lui évite d'entendre les reproches des passants qu'il a manqué de percuter). Ses amis, eux, sont venus au canal à vélo en short et tongs, débardeurs pour exhiber le dernier tattoo chic de madame. La piquette, elle, c'est une super promo de chez Fauchon (on a beau dire, hein, c'est aussi sympa qu'au Monop' de Courcelles ! et les prix sont du même tonneau en promos). La soirée, pour les bobos, est un sacre hebdomadaire parce que, quand on est un cadre hype dans le développement durable ou les assurances mutualistes en pleine extension à l'international, faut se détendre et pas trop penser aux cachets blancs pour tenir et aux cachets bleus pour baiser...
Qu'on ne s'y trompe pas. Le bobo est un tueur-né. Aussitôt qu’il croise une parole non-conforme
avec ses vues exagérément teintées de pseudo-concepts qu’il ne maîtrise pas
entièrement (par exemple sa critique en
rhizomes du « fascisme » et
du « souverainisme »), il plaque les idéaux des Droits de l’homme
comme prière à un manifeste qu’il désarticule autour de son seul nombril en sifflotant son Souchon ou sa Bruni. Aux
Droits évoqués, il ne se passionne que pour le développement des siens propres,
rejetant la citoyenneté qu’il feint de revendiquer pour une extension de sa
lutte pour la domination, quitte à instrumentaliser toutes les arcanes légales et extra-légales que la période lui procure à foison avec les institutions dévoyées et tentaculaires par ses administrations autonomisées.
Le succès de la désignation bobo est telle que, comme pour le con, chacun a le sien, ou le bobo de l’autre est le bobo du même. Il est vrai que la
société française se gausse d’une élévation de son niveau de vie, de son
progrès technique, de son vin et ses fromages. Mais attention, le bobo croit dur comme fer à l’hygiène bio et astro et
n’accepte qu’après autorisation administrative de l’Europe de consommer - le bobo ne goûte ni ne déguste, il consomme uniquement - ce petit chèvre
artisanal à 17,75€ la pièce ou cette liqueur régionale fabriquée par Depardieu. Le couple bobo recherche le bon pain mais lorgne par-dessus à se bâtir un bon
beurre. Dans sa sexualité, le bobo
fait peu l’amour, il consomme là aussi, selon les astres et les conseils sexos de sa psy. Dans ses lectures et engagements, pareil. En période de Mondial, le bobo se fait footeux. En période de tsunami, le bobo se fait aussi pleureur qu'une défaite de l'équipe de France de tennis après un tour pour rien. En période d'élections, le bobo se fait censeur. En toute occasion médiatiquement tendance, le bobo se prend à régner sur soi et son entourage par des sentences précieuses servies tel un derviche-tourneur juste avant de partir en vacances avec sa tribu. En fait, le bobo n'est pas seulement versatile, il est cuistre et s'en va se lustrer la parure au soleil ou à la campagne.
En réalité, le bobo est un collaborateur diligent et tout aussi servile qu’une
bonne du curé astiquant les candélabres à la sauvette du grand ordonnancement
du Léviathan. Trans-courant, le bobo se situe aussi bien à droite qu’à gauche. Au
PCF, d’après l’un de ses parlementaires, c’est la dominante à tous les étages.
Modéré en tout et partout ("je prends ce qui est bien dans tout, dans tous les partis, ça ferait un bon gouvernement"), magistralement sévère pour les autres, le bobo
préfère signer des chèques pour les enfants du tiers-monde en évitant le regard des
crève-misères de son quartier chébran…
Mais le bobo reste braillard cependant si l’on attente à sa foi moderniste à tout crin batifolant
entre Europe sociale et Pataugas pour la Grèce car, comme l’avait décrit
justement Jean Dutourd, le bobo ensemence les blés qui feront la farine d’un Au Bon beurre (1952) lors des prochaines
années de guerre. Pacifiste par religion, le bobo sent bon le futur couard, d’un côté, le futur collaborateur
discret des longs manteaux de cuir, de l’autre. C’est à ses accents d’insignifiance
que l’on devine la véritable politique du bobo :
tout sauf le peuple. L'odeur, sûrement !? Le bobo, un vrai démocrate devant son écran plat, pardi !
LSR (optimiste béat)
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