La CGT comme "huile sociale" des institutions de la Ve République


La CGT dans les vestiaires des politiques.

A l’heure de l’apéro, dans tous les bistrots de France et dans les arrière-boutiques des entreprises, chacun a son trait d’humour sur le secrétaire général de la CGT, l’inénarrable Thierry Lepaon dont le capital courtoisie est inversement proportionnel à son capital bancaire.

Reste que la nouvelle de dérèglements internes à la CGT, d’un désordre dans les orientations et revendications entre plusieurs lignes fractionnelles qui s’affrontent, n’est pas une bonne nouvelle dans les cabinets ministériels. Quand les premiers flics sociaux des entreprises privées et publiques du pays toussent, ce sont toutes les possibles émancipations des salariés eux-mêmes qui prennent de l’ampleur et peuvent gripper le moteur de la démocratie sociale. Sans chefs, sans canal historique, la démonstration des mécontentements peut prendre des allures de rébellion hirsute lors de mauvais coups (plans sociaux, fermetures de sites, etc.).

En réalité, Lepaon n’a rien fait d’autre qu’user de toutes les pratiques discrètes de ses prédécesseurs à la tête des machines fédérales, confédérales ou locales de la CGT depuis des lustres (sauf Henri Krasucki dont l’honnêteté légendaire et l’intégrité morale lui allaient comme le gant de son refus de posséder un bureau ou un poste honorifique au sortir de son mandat de secrétaire général de la CGT). Tel un gamin parvenu à son poste par défaut, Lepaon s’est fait prendre les doigts dans le capital-magouille à la petite semaine. Son luxe à lui, c’est le salut d’une existence où il aimait parader de sa Normandie à Paris avec voiture et chauffeurs payés par son organisation syndicale ou son généreux Comité d’entreprise. Les bons dirigeants font les bons ponts dans les bonnes passerelles comptables ! Son luxe à lui fut de présenter un visage poupin à la dent dure contre les « adversaires des travailleurs » pendant qu’il allait derechef, aussitôt fini le spectacle syndical, dîner au cercle Quadrilatère, instance secrète réunissant des patrons de l’UIMM, des DRH, des syndicalistes et journalistes soucieux de « réfléchir » aux enjeux de la paix sociale et de la bonne police « éthique » en matière économique dans la démocratie sociale. Sa réflexion l’a poussé loin. A Moulinex, les mauvaises langues ont même affirmé qu’il avait été recruté par Alfred Sirven dans les années 1980 pour servir la soupe de la direction du personnel dans l’usine normande, buvant des coups hebdomadaires avec le boss, whiskies chics de préférence et cacahouètes patronales.

Dans le barnum syndical, pendant que les grands branlent du fessier sur de respectueux maroquins, les petits élus et militants « de base » (la « base syndicale », comme ils disent mielleusement) se voient empêcher de participer à des cycles de formation ou réunions nationales parce que jugés trop chers pour leur organisation (fédération, syndicat national, etc.) respective. Pensez donc, il faut savoir que, parfois, les URSSAF procèdent à des recollections sévères parmi les employeurs-syndicaux.

Cependant, à l’heure du toast entre soi, les politiques se trouvent dépenaillés avec une CGT illisible à l’extérieur et quasi-clanique à l’intérieur. La CFDT s’est durablement grillée avec le plan Juppé de novembre-décembre 1995 sur les retraites, la CGT-FO est par trop semée d’une trentaine de pourcents d’électeurs du FN et une poignée d’agitateurs du POI (branche trotskysante sérieuse mais néanmoins agaçante pour huiler entre soi les bons roulements à billes sociaux)en son sein et une CFE-CGC trop catégorielle à côté d’une CFTC qui demeure une organisation fantomatique et confessionnelle qui représente peu. Pour les autres organisations, Solidaires, UNSA et autres, l’éclatement syndical à l’œuvre donc !, il n’est pas inutile de les braver et les prendre au pied de la lettre, tellement leurs tendances internes sont pléthoriques.

Dans les veines souterraines de la fanfaronnade festive, les habiles manœuvriers de l’économie, des finances, de l’industrie, du commerce, du travail, de la protection sociale et de la santé et j’en passe, sont aux abois. Les muscles de la CGT ont-ils fondu à cause de ce Lepaon ? Bien sûr que non, mais la centrale jouait sur la rhétorique de la propreté des convictions en cachant ses poussières sous le patio de leur local commercial de Montreuil, tout en favorisant l’Europe sociale et la culture du compromis historique entre capital et travail sans y paraître, au nom de l’esprit de responsabilité... au nom encore de leur culture ouvrière de « défense des intérêts » des travailleurs. Son maillage territorial lui permettait d’être en toute occasion l’interlocuteur privilégié du baron local jusqu’au marquis national. Hélas ! La bruine est tombée ; Lepaon l’a maladroitement secouée par ventilation de ses bras musclés d’ancien haltérophile.

Pour le moment, dans les vestiaires des cabinets ministériels, entre discussions informelles avec des experts de tous bords et déjeuners de crise, il faut trouver une solution. On ne saurait se passer d’un partenaire du poids de la CGT comme levier social dans les institutions de la Vème République. A moins qu’un plan B surgisse opportunément, ou qu’un escabeau ainsi qu’un coup de pouce soient tendus à un "bon élément" consensuel élevé dans la soie "réaliste" du PCF pour la centrale et les relations publiques avec les équipes gouvernementales. Surprise à suivre…

LSR

 

 

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