le communautarisme, c'est la guerre ici & maintenant


La bataille de France.
 
Dans une France qui s’interroge sur son avenir, sa population s’atomise en autant de chapelles et communautés faussement harmonieuses. Se fonder en communauté, c’est déjà vouloir porter une emprise sur celle qu’elle considère comme « autre », voire rivale. Nous sommes très loin de la Koinônia grecque à la naissance démocratique du Ve siècle de Clisthène, de cette adjonction des familles en une vue socialisante du pari politique de construire une protection contre les risques naturels et les aléas de l’existence.

Des élus politiques, des entrepreneurs ont pris de concert en main un marché nouveau dans les années 1990 : d’une part celui de communauté comme facteur du règne d’un ordre privé pour se substituer à l’ordre commun (républicain), un règne dit « apaisant », d’autre part la communauté comme élément de création d’un nouveau marketing pour promouvoir et vendre des biens sériés et connotés destinés à tel ou tel groupe identitaire. La religion a ainsi constitué un instrument prétendument pacificateur de la crise sociale qui couvait. Laquelle a éclaté dans les doigts de ces faiseurs de marchés au détriment de la société, certes imparfaite, mais qui fut constituée pour mener un destin national commun, ce qu’aujourd’hui on appelle le « vivre ensemble ».

Les années 1990 ont pris de court des politiques qui n’ont pas anticipé la chute d’un bloc d’Etats. Nous sortions d’une vision binaire, d’un monde bloc contre bloc dont les uns et les autres s’épaulaient, se justifiaient et s’arrangeaient malgré la propagande contraire. Une discipline sommaire prédominait alors dans les bréviaires politiques : soit l’ordre, soit le mouvement. L’unité nationale existait au moins dans les actes administratifs et régaliens de l’Etat France. Des excitations pécuniaires ont vu le jour : la professionnalisation affichée de la mandature, de l’élection, de la politique qui en a définitivement perdu son attachement au libre lien entre un mandat et un mandaté, entre la liberté de décision et le choix pour le bien public.

Dès lors, notre ordre public est en péril. La Révolution française, parce qu’elle fut vraiment révolutionnaire depuis la convocation des Etats généraux jusqu’au coup d’Etat de 1799 par d’âpres débats, d’âpres batailles contre une Europe entière liguée contre les tombeurs de la monarchie absolutiste, a construit pas à pas un ordre public susceptible de fonder un nouveau régime. La science politique -notamment Jacques Ellul- définit la révolution dans l’émergence d’un ordre public comme étant le pendant de la révolte qui reste un état de fait inscrit dans la spontanéité et l’instantané sans forcément fonder un autre ordre juridique ; la révolte s’appuie sur le sentiment pur.

L’affaissement ne serait-ce que de l’esprit républicain qui, sommairement, détachait les cultes des politiques publiques, a tôt rempli l’office de la conflagration de la République française. On s’y vautre désormais avec la délectation des enfants au goûter de l’épiphanie : on promet un partage des sucreries, mais on se chamaille pour porter la couronne. L’effroi, la jalousie, l’indifférence et la muflerie emportent tout sur leur passage clairsemé de bonnes intentions, de cet angélisme d’abord taquin qui a consisté à tenter de conserver le leadership politique en promettant à tel clan, à telle communauté plutôt qu’à l’ensemble de la nation. Maintenant, nous le savons depuis les 7 et 9 janvier, l’angélisme en politique publique façonne des monstres dans tous les camps.

Les Français sont riches. Or, la France s’appauvrit. Ce n’est pas un paradoxe, c’est un fait. Le pays est inquiet pour son avenir. Des ennemis intérieurs ont pris les rênes de quelques quartiers, de quelques lieux où l’on enregistre autant de sécessions et de rebellions contre la République que contre des concitoyens. A ce propos, qui se dit citoyen ? Qui évoque le voisin en tant que concitoyen ? A peine dans les préaux des campagnes politiques, quelquefois les présidents dans leurs allocutions télévisées, la citoyenneté tant et tant invoquée en talisman des partis de gauche au début des années 2000 a sauté en l’air le 11 janvier dernier.

Derrière un slogan propre à mieux dissimuler l’implosion à l’oeuvre, la France a voulu relever la tête fièrement contre les massacres des attentats des 7 et 9 janvier : elle a scandé « unité nationale ». Plus dure sera la chute.

Ce fut, dans les rues des cités et villages de France non pas seulement le deuil des morts honorés, mais une addition claironnée de distinctions, d’éclatements et de communautés présentées comme soudées, endeuillées ensemble. Il n’en est (presque) rien. Sous la fiction, la réalité reste crue. La coulisse réserve des clivages autrement plus nourris, des querelles de chiffonniers entre prêtres, pasteurs, imams, popes, rabbins et autres gourous, élus de gauche, de droite et du milieu, du dessus et du dessous. Le visage du pays portait haut jusque dans les années 1980 sa diversité, sa culture échevelée et ses envies de soudures dans la liberté concrète. Aujourd’hui, la France livre petit à petit une réponse singulière à son inquiétude d’être devenue une puissance de seconde zone face aux mastodontes des firmes multinationales et transnationales, des entités politiques supranationales, des conglomérats d’alliances contrenatures avec l’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres puissances discrètes.

Au prétexte du terrorisme international, on peut tout s’autoriser (rapprochement ce samedi entre les justices française et marocaine… mais chut ! ne levons pas le voile sur des détenus au secret du Maroc torturés pour « athéisme », crime dans cette contrée-là), tout apurer des rivalités qui s’étendront dans les arrière-salles de l’histoire immédiate. Surtout, on peut durcir des législations intérieures, durcir des mesures de contrôle des populations, exercer un nouveau désordre d’inflation de pénalisation de la loi. D’ailleurs, les populations n’ont rien contre puisqu’elles se sont autocensurées, autocontrôlées et auto-aliénées avec les réseaux sociaux qu'elles prennent pour leurs espaces de liberté individuelle (le culte du "moi-je").

La guerre est pourtant là. Des soldats affutent leurs coutelas. Des groupes sporadiques, en prison ou à l’abri de leurs pavillons, préparent des assauts en utilisant les armes de la communication devenues essentielles. Les islamistes ne veulent pas simplement imposer au monde leur satanée charia, ils entendent briser nos pensées, notre liberté politique et individuelle, même aussi imparfaite qu’elle soit. Ils nous ont déclaré la guerre, ne serait-ce qu’en s’attaquant à des compatriotes sur des terres étrangères, mais nous nous sentions épargnés dans nos frontières. Ils estiment que nous ne sommes pas des hommes, puisque qu’eux tiennent le glaive de leur dieu-thaumaturge pour nous trancher la gorge. Certes, relativisons, nous ne subissons pas ce qu’éprouvent chaque jour les populations en guerre en Syrie, en Afghanistan, au Mali. Boko Haram, au Mali par exemple, a exterminé début janvier plus de 2.000 femmes, enfants et hommes en rasant un village entier. Des femmes sur le point d’accoucher ont été exécutées par ces soldats de Mahomet -qui n’en demande pas tant dans les vapeurs des huiles de ses mille vierges cannabiques. C’est ici l’irrationnel et la superstition qui chevauchent de nouveau les idéaux d’hommes qui se font agents de la bête.

Aussi, il faut en pousser la conviction, l’affirmer : ici, un voile, une burqa dans la rue en France s’avère du prosélytisme de combat. Que ne dirait-on pas si chacun portait une croix sur le torse, d’autres sa kippa sur le crâne en permanence, et surtout si cela se généralisait davantage ? Que ne dirait-on pas si des curés mariaient des jeunes gens sans leur demander leur avis, si les mêmes pénétraient dans des foyers pour imposer à telle fille de partir faire des études, à telle autre de s’occuper du seul foyer ? Que ne dirait-on pas si le prêtre de quelque religion qui soit venait à créer et siéger dans un tribunal local pour nous imposer les règles de fer de la sainte inquisition ?

Nos élites ont joué avec des feux de toutes les couleurs dans un retournement imbécile du 14-Juillet, les ont dispersé, les ont allumé, éteint puis rallumé… ils n’arrivent plus du tout à postillonner sur les étincelles pour éteindre le grand incendie qu’ils nous ont chauffé par leurs absences de clarté de vue de ce qu’est l’essence de la démocratie. Le communautarisme porte les germes de la guerre de tous contre tous. Nous l’écrivions, avec d’autres, mais on nous a ri au nez. L’atome s’agite. La fission sera nucléaire.

Bon courage !

LSR

 

 

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