l'adolescent rimbaldien est mort à Ibiza
Les
infortunes de la jeunesse.
La poire de l’espérance réside
entièrement dans la jeunesse, dit-on. Mais ça, c’était avant... La jeunesse est
désormais inquiète, angoissée quelquefois pour des peccadilles aussi dérisoires
qu’une fausse information sur facebook.
Le tourment est évidemment inhérent
à la jeunesse. Il prend plus qu’à l’accoutumé la forme d’une bonne dose de
désinvolture. D’ailleurs, cette désinvolture est si prononcée qu’on peut
observer ces assis par terre de la vie aussitôt qu’il faut attendre devant une
porte close, signe de déconvenue malheureuse qu’on ne puisse les servir
immédiatement. On peut de même surprendre ces acnéiques pantouflards les deux
pieds sur les fauteuils des bus ou des trains quand la place est disponible,
parce qu’ils sont seuls, si seuls au monde et qu’ils évacuent une lassitude qui
siérait davantage à un vieillard asthmatique… Quand il est mieux disposé, mieux
formé, le brillant bleuet assiste une personnalité incontestable de la
philosophie puis se jette à corps perdu dans la finance et l’aventure
politique. Drame de la modernité étouffante, déclin de l’humanité adolescente.
L’espoir a ceci de régulier qu’il
éteint la promesse des ennuis aussitôt que survient un événement heureux ou
malheureux, fêté à la même enseigne. La gradation dans l’appréciation de l’événement
n’est pas le fort de la jeunesse. Un match de foot et un attentat stimule les
mêmes synapses d’émotion chez elle.
La tribu, le groupe, le clan permettent
à des jeunes de ressentir un plein dans le vide de leurs existences tristement
rythmées par des interros et des apprentissages dont ils ne voient que mal la
signification autre que celle de subir un jugement. Si en plus ils jouent d’évanescence
dans les jeux périssables de l’existence (justement
le jeu vidéo, la soirée dansante, les pintes « entre potes »…),
les tendrons s’éloignent du bien le plus précieux que leur coreligionnaires
sénescents eurent dû leur offrir : la foi en la résistance, le culte de la
pierre brute à polir…
Hélas, farouches eux-mêmes, les
adultes dits matures ont renoncé à livrer des propositions moins fantasques que
l’aventure suicidaire ou la fête comme horizon politique. Certes, il y a les
cracs des équations et les doués du pinceau, les poètes en herbe et les
historiens passionnés, mais ils sont plus souvent rabroués par leurs semblables
au lycée, obligés de démontrer leurs facondes et forces dans le secret de leur
chambre. Il y a aussi ces héros de l’apprentissage professionnel qui se lèvent
tôt pour gagner moins. Et puis il y a encore ceux qui, évincés de la promesse
républicaine de solidarité active, aboient derrière des cages d’acier après
avoir provoqué le code pénal si extensif ces derniers temps.
La jeunesse est ingrate. Elle sert
une fiction d’idéal-type qui n’existe pas, sinon dans des romans du passé où l’essence
du monde respirait l’espoir authentique par toutes les narines de la richesse
des nations. Ingrate parce qu’elle (se)
joue de cette fiction en y participant de concert tout entière avec les
façonneurs de conformismes et de préjugés facilement commercialisables, les
communicants et autres pubards. Rares sont désormais les jeunes gens qui ont le
culot de précipiter une autre trace dans les pas modelés de notre civilisation prémâchée.
Aussi, avons-nous là un début de commencement et d’explication de l’attirance
que fournissent les organisations délinquantes ou terroristes pour quelques-uns
dont on parle souvent en ce moment ; l’argent vite gagné, les
démonstrations de virilité dans le port d’arme ou la barbe, les muscles bombés
dans des automobiles rutilantes, voilà ce à quoi s’expose une jeunesse
angoissée par notre présent.
Reste donc la déprime cautérisée des
jeunes gens « sages » dans
la fête qui consiste à rassembler une promesse d’existence passionnée, à défaut
d’idéal politique collectif et fondateur de voies.
Elle est finie l’époque des Daniel
Cordier, alias Caracalla dans la Résistance de la France Libre. Terminée l’espérance
des envolées lyriques vers les cieux de la décolonisation révolutionnaire des
Régis Debray. A moins que la retraite au cloître ou en âshram attire une foule
percluse de transcendance.
Et pendant ce temps, le monde
tourne, tourne… et l’histoire accélère son état de décrépitude généralisée
tournée en une violence de n’être plus que des ombres d’hommes.
Ainsi sombre le héros de l’espoir en
bandoulière. Rimbaud est bien mort.
LSR
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