France fragmentée, retour du grégarisme de villes vs. villages, par Patrice
Reconstitution de sociétés
dissoutes.
La
conduite personnalisée de sa propre vie ne pouvait perdurer dans l'égoïsme et
l'individualisme total. L'individu isolé n'a qu'une durée de vie limitée s'il
ne réintègre pas le groupe de ses semblables.
C'est
la constatation que l'on peut observer dans toutes les régions, villes et
villages. La fracture totale n'aura duré que le temps d'une angoisse. Celle de
ne plus être que soi-même. Ce n'est pas
par souci de solidarité ou d'affinités que l'homme s'agrège, c'est par besoin
de se sentir fort et rassuré. La guerre qu'il menait depuis le début du
siècle, et notamment depuis les années "fric", soit les années 1980, et qui consistait à pratiquer la
guerre de tous contre tous, vient de prouver son inanité. Elle est arrivée au
terme de son cycle. Aujourd'hui, c'est de collectivités, de communautés dont il
s'agit.
Comme
le prouve si bien le livre de Christophe Guilluy*, la fracture existe belle et
bien entre des pôles de société répartis sur tout le territoire. Le fossé est devenu
abîme entre les villes et le reste du pays, voire entre parties micro-sociétales
d'une même région.
Lorsque
Manuel Valls parle d'apartheid, il ne s'agit pas de prendre le contre-pied
institutionnel de l'expression. Ce n'est pas de politique ségrégationniste dont
il s'agit, c'est d'un état de fait, de constatations dans la façon de vivre
telle qu'elle peut être observée aujourd'hui en France. Aller chercher des
explications d'ordre économique ou politique, c'est vouloir noyer le poisson
d'une déshérence sociale, éducative, culturelle. La fracture qui existe a vu le
jour sous d'autres motifs, bien que l'économique via le travail ne soit pas à exclure.
C'est
dans la différence existante, et non seulement ressentie, que se trouve
l'origine d'un repli sur soi qui a vécu le temps d'un reste de vaches grasses
pour se recomposer en noyaux de sociétés différentes et quasi autonomes. Les
considérations propres à des parties représentatives, car plus exposées, de la
société telle qu'on nous les présente de façon actualisée concernant les nantis
deviennent un roman à l'eau de rose pour le reste de la société nationale. Les
oligarchies diverses et variées de milieux différents, mais sous le feu des
projecteurs, servent en fait d'exemple à la reconstitution de sociétés moins
exposées mais toute aussi dirigées, représentées, hiérarchisées. Il s'agit
d'une démultiplication, d'une recomposition fragmentaire du connu à une échelle
différente. Moindre d'abord dans son nombre, autre dans sa composition mais
identique dans son fonctionnement et ses valeurs.
Il
ne s'agit plus de cultures régionales, qui participent à la composition
homogène d'un ensemble national enrichi. Il s'agit de pôles de quasi
auto-défense face à ce qui est considéré comme agressif et contre lequel il
faut s'organiser pour mieux résister. Le sentiment de menace est fort vis-à-vis
d'un autre groupe. Plutôt que de l'intégrer, on s'y oppose, on le refuse sous
diverses explications : les gens de la ville, les bourgeois de tel
arrondissement, les ethnies. Il faut remarquer que la fracture se réalise
toujours entre gens des villes et gens de la campagne pour ensuite se
fragmenter à nouveau par ville, quartier, immeuble.
Tout
est et devient révélateur de votre appartenance à un groupe. Votre situation,
votre langage, vos priorités sont les marqueurs de votre différence. Le choix que font les groupes entre l'être
et le paraître est définitif. A la campagne, on est. En ville, on paraît.
Vieille querelle sémantique entre Paris et la Province, avec tout ce que cela
véhicule comme mépris, condescendance.
Les
communautés ainsi reconstituées ne font que reproduire le schéma structurel
existant. C'est d'un réflexe d'auto-défense qu'il s'agit et d'un besoin
sécuritaire. Le grégarisme est immortel.
Patrice
C.
(*) Christophe
Guilly, La France périphérique, Ed. Flammarion,
sept. 2014, 192 p..
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