Les parisiennes & les parisiens connectés puent des aisselles
Mange tes
mortes pages…
« Moi, je m’en fiche, je lis sur tablette… », dit la dame à son
voisin de terrasse enfumée, petit doigt en l’air, une moue de joie à ses lèvres
couvertes de mousse au chocolat.
La solidité des convictions
littéraires ne me distinguera jamais tant des vieux, des anciens, de ces frêles
idiots du village dont je suis et qui ne lisent bêtement que des livres avec
des pages tournantes, de mauvaises impressions souvent réalisées en Roumanie ou
Pologne, ces asiles pour nouvelles imprimeries écologiques. Pire, je suis de
ces invétérés preneurs de notes dans la marge de ces mêmes bouquins. C’est vrai
aussi, je suis de la classe des crétins déclassés.
Je ne dirais pas « techno, non merci », mais je
clapoterais volontiers d’un bon mot. Impossible pour l’heure. Je reste sous le
charme de cette cougar aperçue. Châle négligé sur poitrine refaite dans une clinique
du XVIIe mise en valeur par Dior, la donzelle croise et décroise de la
tablette. Que lit-elle ? Je ne fais que passer en courant. Pas le temps de
le lui demander, mais suffisamment pour mémoriser sa sentence et sa pose. Rien
là de bien étonnant. Ma curiosité a ses limites que les limites commandent par
une pâle timidité urbaine.
Slash,
slash, livre, book, rentrée et tutti quanti.
Point à la ligne, d’exclamation, que sais-je…
Professionnalisons les fonctions,
désacralisons les postures. Je vote, je lis, je bise sans le a d'Anastasie. Lire, c’est se
rabougrir en un lecteur-juré, rapiécer une, deux voire trois étoiles sur un
site… « livre à vivre »,
pitre à dires. Sais pas…
J’ai toujours adoré la virilité
littéraire. Les casernes, mon pied à moi… à terre, secoue tes pages, tu ne sais
plus à quoi tenir. La paresse, c’est en pas de gymnastique tout nu sur une
poutre, une étoile dans l’œil du soldat de l’An II et un livre pour ne penser
que couic.
Moi, je m’en secoue la tablette, je
partage avec quelques conscrits un air franchouillard heureux. Benêt de
campagne, je déambule dans les grandes villes comme en territoire hostile. En
pur ahuri, je serais presque la réincarnation du meilleur Fernand Raynaud qui
soit : « heuuuuu-reux » !
Je l’observe bien, les loulouttes
s’abiment l’apparat par des tenues de sport pour circuler dans les avenues
commerçantes quand les garçons semblent abattus par le regard de leurs mamans,
même esseulés dans les couloirs des écoles de Paris. Quant aux usagers des
transports publics, leurs pâmoisons nous déchirent le cœur : j’aurais bien
le désir de leur distribuer des savonnettes d’hôtel, histoire qu’une hygiène un
tantinet plus scrupuleuse les taraude à l’habitude de se frotter avec. « Moi, je m’en moque, je lis sur tablette et j’écoute en même temps de la zique sur mon
pod »… C’est moche, j’invente cette phrase que pourrait nous blablater
un néo-urbain conscient de son être dépensier en biens de consommation
technologiques. Tellement dépensier qu’il se mute en nécessiteux du gel douche
et sent-bon.
Je suis un crétin halluciné. Je végète
en me décidant de ne plus sortir sous peu sans un flacon de gel pour les mains.
Ça, c’est sûr. L’odeur de mes concitoyens dans le métro, au petit matin, n’est pas
uniquement contrite de la joie de leur fumet mais la crainte de devoir frôler
la même barre de maintien qu’eux ou la même poignée. On ne se refait jamais…
déjà en collectivité tout petit, je rechignais à devoir partager les lieux
d’aisance. A l’école du village, le putride alliait à l’insane. L’eau de Javel
n’était pas arrivée aux portes du Loiret.
Qui dira le progrès des hommes
modernisés à souhait, connectés, i-podés
comme les piercings des bêtes d’abattoirs… Dans le monde propret et tout de
rose olfactif, Ségolène Royal fit une montée sur scène prometteuse : fra-ter-nité… oui, mais avec qui ? La
dame qui lit des pixels ou le jeune chébran qui pue de sous les bras ? La jeune cadre fumeuse de menthol arrangée aux effluves infects de son
parfum très cher ou le jeune prof barbu qui tousse bruyamment dans le bus sans
mettre sa main devant la bouche ?
Tous ces Modernes, le jour où on
leur coupera l’électricité plusieurs jours de suite, que deviendront-ils ?
Allez zou, Modernes, au bain… hop, hop, hop !
Allez zou, Modernes, au bain… hop, hop, hop !
LSR
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