Conseil aux jeunes gens désireux de s'insérer sérieusement dans la vie : choisissez 'politique' !
Le plus vieux métier du monde adoré
des jeunes gens... le « métier » politique.
La seule éthique de la
responsabilité développée par Max Weber (N1)
ne suffit plus au personnel politique français dans sa prise de décision. Un
fait le démontre cette semaine et, une nouvelle fois, la population française s’aperçoit
de la gageure de livrer confiance à d’autre que soi pour la représenter. Un
député socialiste devenu un éphémère secrétaire d’Etat, jeune quarantenaire, a
choisi « la » carrière. La carrière politique d’élu n’est pas
seulement une rente de situation, mais une possibilité de bien vivre, d’augmenter
son mode de vie, agrémenter ses comptes en banque et fertiliser ses pouvoirs
symboliques qui consistent en l’occurrence à s’autoriser à parler au nom de
tous, de diriger, d’être un maître de soi et des autres, et affranchir son
avenir. En apparence, en apparence…
L’élu politique ne peut qu’appartenir
à un parti pour jouer le jeu concurrentiel interne à la désignation aux
élections, ainsi que bénéficier des accords d’alliance avec les plus petits d’entre
eux. Chacun sait, par exemple, que le PCF n’aurait plus guère d’élus municipaux
et à l’Assemblée nationale si ses patrons ne concluaient pas des contrats de
mandature avec le PS. Il en va de même avec le PRG et les Verts-européens, pour
la gauche, l’UDI et les satellites autres de l’UMP. L’éthique de la conviction,
parce qu’elle est le pendant indispensable de l’éthique de la responsabilité
qui renforce la foi morale de ce qui conduit l’élu politique à penser, décider et voter, ne peut
qu’être en berne dans l’état même du rang du système des partis dans le régime politique
dont nous disposons des arcanes actuelles. Il n’est donc pas étonnant que conviction
et responsabilité soient abaissées dans les conditions d’hégémonie de l’eurodomination des schèmes directifs de
la conduite générale du pays.
Truisme des truismes absolus, vous me
le pardonnerez, la pensée politique se niche dans un « carcan », c’est-à-dire un filet aux
mailles si fines que peu d’élus-merlans peuvent sortir du cadre qui leur est
fixé par des instances partisanes qui « bougent la France » au seul radar des sondages. Alors, quand
un fifrelin parmi la profession faute, il reste en place, maintient son mandat,
s’accroche aux branches légales qui lui sont favorables, quitte à concéder sa
démission de son parti à la demande de son chef pour atténuer la faille du
système aux « yeux de l’opinion »
(l’opinion a-t-elle aussi des jambes, des
bras, des muscles fessiers, un nez ?).
La carrière de l’élu est ainsi faite
qu’il percevra ses indemnités, cotisera bellement pour l’après députation et
renforcera un carnet d’adresses déjà imposant pour, éventuellement, dénicher un
poste de cadre, avocat ou consultant s’il perd son mandat. La carrière
politique est autrement plus belle et payante que celle de la plupart des
cadres, employés et ouvriers des secteurs privé et public. Les contrats de
courte durée, la concurrence et la réalité dramatique du marché du travail (alors que des emplois ont été définitivement
détruits en France ces dix dernières années) aboutissent à une situation
salariale, libérale ou artisanale on ne peut plus houleuse dans la réalité du
pays. Dangereuse pour eux, d’ailleurs.
La carrière politique renferme tous
les atouts pour allécher les jeunes gens avides d’asseoir leur existence
professionnelle et sociale en rognant les tourments du quotidien. Le paradoxe
ultime, aussitôt qu’un de ces jeunes obtient un mandat local important ou
national, consistera pour lui à cultiver quel que soit son origine politique (gauche ou droite) le refrain euromaniaque
de la nécessité pour la population d’accepter le nomadisme salarial, la
précarité du contrat de travail, les conditions existantes des relations au
travail et la destruction progressive de la protection sociale pourtant présente
dans la constitution.
Lui, l’élu notabilisé, l’enfant reconnu de la République –cette bonne fille !-, va mobiliser toute l’énergie de ses petits
bras appétents à perpétuer son influence et conserver le zonage de ses mandats.
Pour la carrière, il peut lui être captivant de se faire remarquer par des
déclarations fracassantes plutôt qu’à l’énoncé de positions à seule fin de
gagner en influence en vue d’obtenir plus tard un maroquin national, une
vice-présidence ou présidence d’une collectivité territoriale. Sans oublier les
postes de présidents de conseils d’administration ou une reconversion dans des
institutions publiques. Le jeune adoptant la carrière sait par avance qu’il n’aura
pas à s’embarrasser outre mesure de réflexions complexes ou d’analyses à
produire lui-même. Son parti, clone de cerveau reptilien, s’en chargera pour
lui, lequel parti les reçoit et adoube directement des cabinets de lobbying et
des experts institutionnels basés à Strasbourg et Berlin.
Les jeunes gens qui ont choisi la
carrière politique –gloire à eux !-
ont tout compris de la difficulté de la vie et comment atténuer les heurts de
leurs existences quotidiennes. Evidemment, autour des élus, il y a les
attachés, les collaborateurs, les chefs de cabinet, toutes les petites mains et
dévoués fidèles qui indiquent là qu’ils existent à la fois comme vivier humain de
futurs élus quand ce même vivier reste également un repère pour ceux qui stationneront
à la porte du mandat. Qu’ils ne craignent pas ces missions de l’ombre, elles
sont tout aussi rémunératrices et porteuses des symboles qui servent le confort
d’une existence humaine. L’ordre du Mérite voire la Légion d’honneur, voilà le
bout du chemin…
L’apparition de l’expression « métier
politique » (« faire
le job », selon Nicolas Sarkozy, ex-futur président) s’est révélée dans les
pages du quotidien Le Monde au début des années 80, décrivant à
l’occasion les nouvelles motivations de militants-cadres de leurs partis
respectifs. La gauche venait d’arriver au pouvoir. Stock naturel de
professionnels de la politique, au sens où la politique n’était que le cœur de
leur unique préoccupation de soixante-huitards de religion, comme le préconisait
Lénine dont ils conservaient de vagues souvenirs, tout ce magma de la gauche
socialo-communiste a mis en place un vaste réseau professionnalisant les « fonctions » et « mandats », rendant petit à petit
caduques les modalités antérieures de désintéressement -au moins de façade-, représentativité et dévouement au service de
leurs mandants.
La carrière s’est ainsi auto-constituée
comme un laboratoire d’abord ancré sur les baronnies traditionnelles des vieux
élus, avec leurs prébendes et droits de cuissage de rigueur. Elle a ensuite
pris ses aises avec de vastes courants de détection et promotion de
personnalités, en premier lieu les syndicats et mutuelles des étudiants (l’Unef-Id, l’Unef-Se, L’Uni, la Mnef),
les syndicats des salariés, les clubs politiques (Club des Jacobins, Témoins, etc.) et quelques formations
universitaires construites autour des effets du recrutement nécessaire de techniciens
juridiques, administratifs et managériaux du mandat et conseil politique.
Devant un tel développement, les
anciens ou vieux élus, de concert avec les jeunes recrutés des années 80 et 90
ont légiféré et ordonné, en toute connivence concertée, les multiples facettes
du métier politique : statuts du conseiller, grilles salariales, redéploiement
des fonctions et créations de postes à tous les niveaux de l’Etat, surtout par
l’heureuse déconcentration de l’Etat et les moyens de la déréglementation orchestrée
pour bâtir des édifices à plusieurs étages décisionnels et opérationnels,
la privatisation d’anciens services publics, etc. Il est vrai que sous Pompidou,
déjà, avait été inventé le « pantouflage »,
à savoir le va et vient entre administration et entreprise privée ; il n’y
eut plus qu’à encadrer en grand ce phénomène et légiférer encore et encore pour
ouvrir toutes les portes aux fonctionnaires de la Ve République.
Comme la prison est un incident de
parcours dans la carrière du dealer,
la démission du parti ou la perte d’un mandat d’élu ne constitue qu’un incident
sur le CV du professionnel de la politique. Certes, la concurrence y est rude
et les mœurs meurtriers. Mais tout son encadrement a été conçu pour atténuer le
nombre de décès et disparitions sans laisser d’adresse. Pour certains menant
cette guérilla interne à la mixture politique, on appelle cela « la traversée du désert » avant un
retour triomphal. Mitterrand après l’affaire de l’Observatoire, Chevènement
après sa première démission sur trois d’un gouvernement, Sarkozy après son
retour à la case mairie de Neuilly suite à la défaite de Balladur à l’élection
de 1995, resteront des exemples éternels.
Pour d’autres, le chemin de l’anonymat sera préférable pour continuer d’exercer
des fonctions, missions et embauches dans le simulacre du pouvoir au travers
des pantoufles chaussées dans de grands groupes financiers et industriels.
Responsabilité
et conviction n’ont plus cours dans la direction prise en 2014 par le régime
politique, dominé par les partis et le caractère
uniquement professionnel de la conduite des affaires publiques. Nous le
savions, nous l’observions bien avant le quinquennat de Monsieur Hollande.
Prenons un exemple daté. Peu de gens
savent que Laurent Fabius, quelques semaines avant sa sortie de l’ENA en 1973 (promotion Rabelais), a frappé à la porte
de l’UDF pour savoir ce qu’on lui proposait s’il entrait chez eux. Mitterrand, le
plus puissant de tous, bien entouré par des chasseurs de tête au sortir du
congrès d’Epinay de 1971 qui fonda l’actuel PS (au soir de la victoire de sa motion, il a réuni son petit monde et a
lancé l’idée qu’il lui fallait un réseau de têtes qui travailleraient en
cercles concentriques autour de lui pour gagner en dix ans, outre des
financiers de campagnes déjà acquis chez L’Oréal, entre autres{N2}), a tôt fait de le repérer et l’a
mis à contribution avant qu’il ne s’impose rapidement dans le staff des cadres éminents pouvant putativement
occuper un maroquin ministériel.
Cette dynamique partidaire, au poids
considérable dans les modalités organiques des institutions de la Ve République
dès 1961, que n’avait pas désiré le couple de Gaulle-Debré initialement, n’a
pas fini de s’émanciper des règles et principes démocratiques élémentaires (conviction, responsabilité, respect a
minima des programmes de campagne, des
fonctions et mandats, ligne de conduite pour la collectivité nationale…)
pour déraper chaque fois plus brutalement au travers d’élus singuliers,
entraînant de manière inéluctable un repli négatif global sur l’ensemble des
fonctions en professionnalisant la politique.
Aujourd’hui, le très éphémère
secrétaire d’Etat socialiste de retour à l’Assemblée nationale, plus quelques
ministres censés émaner de « la
société civile » (gentille
litote mitterrandienne pour parler de pantouflage) démontrent que la
carrière politique est la seule carrière que nous conseillerions à une jeune
femme ou un jeune homme bien né pour guerroyer dans un parti et assurer son
avenir.
Bien sûr, ce jeune talent devra suer sang et eau, trahir ses amis, son époux, son épouse, son amant, son père, sa mère, son fils, sa maîtresse, sa fille, son gigolo (on ne trahit jamais qu’eux en général, et d’autant plus en politique), mais jamais, ô grand jamais son chef de parti ou l'Europe-si-aimée de son parti de la gauche, de la droite institutionnelle (cités plus haut, du PCF à l'UDI en passant par le PG, PRG, UMP, PS, FN, EELV et autres groupuscules para-institutionnels NPA, LO, POI et compagnie). Il lui incombera, subsidiairement, de ne pas s’encombrer de lectures théoriques ou historiennes sinon celles touchant à la communication et le marketing, vanter la fête permanente et la « joie désintéressée » de travailler pour ceux qui l’élisent, s’organiser dans des clans et ne jamais, ô combien jamais, négliger le plus petit mandat local qui soit, ni la plus infime fonction, sachant que tous les mandats peuvent servir d’ascenseur pour les plus beaux sommets. Et puis ajoutons-le, pour qu’il devienne un parfait élu de métier, le jeune ne devra jamais porter un idéal autrement que pour les galeries internes au parti, ne jamais négliger les chemins parallèles aux partis comme les syndicats et les associations ésotérico-humanitaires. Nous l’inviterons volontiers à apprendre par cœur quelques phrases de Jacques Attali et trois ou quatre articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, plus quelques litanies vantant l’Europe comme gage de paix éternelle. Et puis, surtout, qu’il explore son inspiration dans le parcours des grands de ce monde (au choix :), F. Mitterrand, M. Thatcher, N. Ceaușescu, W. Brandt, J.L. Mélenchon, JFK, N. Sarkozy, L. Brejnev, D. Cohn-Bendit, A. Madelin, L. Walesa, I. Gandhi, R. Reagan… et oubliez donc définitivement tous les losers. Car la politique, eh ben c’est le plus beau (et vieux) métier du monde, na !
Bien sûr, ce jeune talent devra suer sang et eau, trahir ses amis, son époux, son épouse, son amant, son père, sa mère, son fils, sa maîtresse, sa fille, son gigolo (on ne trahit jamais qu’eux en général, et d’autant plus en politique), mais jamais, ô grand jamais son chef de parti ou l'Europe-si-aimée de son parti de la gauche, de la droite institutionnelle (cités plus haut, du PCF à l'UDI en passant par le PG, PRG, UMP, PS, FN, EELV et autres groupuscules para-institutionnels NPA, LO, POI et compagnie). Il lui incombera, subsidiairement, de ne pas s’encombrer de lectures théoriques ou historiennes sinon celles touchant à la communication et le marketing, vanter la fête permanente et la « joie désintéressée » de travailler pour ceux qui l’élisent, s’organiser dans des clans et ne jamais, ô combien jamais, négliger le plus petit mandat local qui soit, ni la plus infime fonction, sachant que tous les mandats peuvent servir d’ascenseur pour les plus beaux sommets. Et puis ajoutons-le, pour qu’il devienne un parfait élu de métier, le jeune ne devra jamais porter un idéal autrement que pour les galeries internes au parti, ne jamais négliger les chemins parallèles aux partis comme les syndicats et les associations ésotérico-humanitaires. Nous l’inviterons volontiers à apprendre par cœur quelques phrases de Jacques Attali et trois ou quatre articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, plus quelques litanies vantant l’Europe comme gage de paix éternelle. Et puis, surtout, qu’il explore son inspiration dans le parcours des grands de ce monde (au choix :), F. Mitterrand, M. Thatcher, N. Ceaușescu, W. Brandt, J.L. Mélenchon, JFK, N. Sarkozy, L. Brejnev, D. Cohn-Bendit, A. Madelin, L. Walesa, I. Gandhi, R. Reagan… et oubliez donc définitivement tous les losers. Car la politique, eh ben c’est le plus beau (et vieux) métier du monde, na !
Jeunes
fougueux, Rastignac des deux sexes,
engagez-vous,militez,
entrez
en politique !
Epousez donc la carrière !
Vous
en tirerez allégresse, gloire, profits avec un métier d’avenir dans les mains !
LSR
Notes.
(1)
Weber, M., Le savant et le politique
(1917-1919), Ed. Plon, préf. de R. Aron et trad. de J. Freund, Paris, 1959.
(2)
Côté franges gaulliennes dont l’UDR, ce fut en premier lieu, surtout à compter
de la naissance en 1976 du RPR, le groupe mondial Pernod-Ricard qui assura principalement
la trésorerie et le pantouflage des défaits à des élections.
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