Les rêveries méritantes du constitutionnaliste Dominique Rousseau, par Patrice C.
Le mirage d'une nouvelle constitution.
Aussi brusquement que l'orage, le sujet qui pourrait
amener à un changement politique se dirige vers la Constitution. Epuisé certainement par l'étrillage et le bashing inconsistant et improductif, place aux fondamentaux réconfortants et aux
valeurs essentielles, croit-on.
Il n'est que trop visible qu'il n'est plus temps de
parler de la couleur des choses et des gens, cela est trop aléatoire. Place
donc au sujet maître de toutes discussions qui puissent être sans contestation
possible : la Constitution. Pièce maîtresse de toute démocratie, elle
porte en elle toutes les valeurs possibles, souhaitées et rassurantes, pourvu
qu'on parvienne à la mettre sur pied. Après ça, on pourra en discuter et
ergoter sur ses imperfections, comme on le fait avec la Constitution française
depuis 1958. La direction d'un pays n'est pourtant pas un jeu de société, et
pourtant… L'essentiel, comme à la belote, n'est pas de savoir ce que l'on fait
avec la règle, mais de savoir ce qu'elle a dans le ventre qui empêche de faire
comme on l'entend. De là à contenter soixante millions d'individus…
En attendant, et avant de commencer les travaux,
commençons par dire de quoi nous ne sommes pas satisfaits. Après, on saura ce
qu'il ne faut pas faire pour recommencer à l'identique. Avant qu'on ait
constitué le tour de table, puis défini l'objectif, on sera à l'an 3000 !
D'abord, me semble-t-il, savoir par qui et comment la rédiger, cette
hypothétique nouvelle constitution. Ensuite, ses aspects fonctionnels,
pratiques.
Les préconisations définies par Dominique Rousseau(*), sur Médiapart, ont au moins l'avantage d'être claires, d'où perce une
réelle volonté de prise en compte d'une vraie "modernisation". Les citoyens semblent être l'élément premier
de son souci, face à « une
Constitution à bout de souffle qui protège les gouvernants des gouvernés, alors
que ce devrait être l'inverse », et « créer une nouvelle assemblée où s'expriment les expériences de
vie concrètes. ». C'est beau comme de l'antique !
Justement, on y pensait très fort ! Nous serions
aujourd'hui en situation « d'autisme
institutionnel » ? Il nous faut donc envisager une constitution
plus adaptée aux attentes et besoins des citoyens. Nous n'avons pas attendu de
tels poncifs pour en être convaincus. Tout se situe donc dans la rédaction :
« On a inversé la fonction d'une
Constitution qui est de garantir au peuple que ceux qui exercent le pouvoir en
son nom respecteront ses volontés (…) » et qu'« une Constitution doit être d’abord un bouclier qui protège les
citoyens contre le risque d'arbitraire des gouvernants. ».
Bien qu'il reconnaisse et déplore que « nos institutions ne sont pas solides,
mais rigides » et que « ceux
qui nous gouvernent sont enfermés dans ce que j’appelle une "pensée d'État" »,
« la France a aujourd’hui besoin d'une "pensée de la société". ».
Ces paraboles pour en arriver à : « Aujourd'hui,
la France a besoin de la société civile pour continuer son histoire. ». Nous
y voilà donc ! La fameuse société civile, qui va de pair avec la classe
moyenne, serait la panacée, la seule capable d’édicter une nouvelle bible de la
nouvelle société, en même temps et de fait… Dominique Rousseau ne dit
d’ailleurs guère autre chose quand il parle des lois : « un ministère de la Loi, qui devrait
remplacer le ministère de la Justice. ». D'ailleurs : « Le fait que les sociétés soient confrontées
partout aux mêmes problèmes engendre une société civile mondiale qui trouvera
un jour sa Constitution. ». Et voilà pliée l'idée généreuse de
l'espace mondial-open space. La
modernisation passe donc par la mondialisation et l'amalgame. Le journaliste de
Médiapart a raison quand il demande :
« Une meilleure Constitution ne
relève-t-il pas aussi d’une forme de «"pensée magique" ? ». Cela
relève tout au plus d'un nouveau dirigisme institutionnalisé et
transfrontières, éventuellement inter étatique.
Le constat s'impose donc d'être prudent à vouloir
renégocier une nouvelle charte nationale à une époque où la pression du peuple
ne se fait pas encore entendre et où tous les avantages ne sont pas sûrement
acquis. Il faut se défier de ce que l'on
peut gagner quand on est sûr de ce que l'on peut perdre.
Patrice C.
(*) Dominique Rousseau, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature
(de 2002 à 2006), né en 1949, est professeur de droit public. Il enseigne
à l’Université Paris 1–Panthéon-Sorbonne le Droit constitutionnel.
Ses fondements paradigmatiques portent essentiellement sur le contentieux constitutionnel relié
à ses interrogations sur la démocratie formelle, comme tout étudiant de P. I le sait, enserré qu'il est dans
son manuel Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, 8e
édition, 2008, sans lequel nulle moyenne n’est possible, même en Master 2 de Droit public fondamental. Un temps, il a
soutenu un candidat du Parti de gauche et publié un essai drolatique dans ses
attendus, passé un peu inaperçu : Le Consulat Sarkozy, Ed. O. Jacob,
Paris, 2012.
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