Garde-champêtre versus policier municipal... la campagne de tous les dangers
"Drôle" de scène en riante campagne.
En villégiature dans un tout petit
village fleurant bon le terroir si cher aux parisiens en manque de verdure, je
pédalais dans la liesse propice au repos de l’esprit après une tension soutenue
au-dessus de quelque essai livresque ardu. Un bienfait qu’une promenade en selle.
Dans une rue menant au cimetière, lieu de calme et arbres centenaires magnifiques, j’entends
des hurlements. J’entends des coups métalliques. « Dégagez votre bagnole de là ! Dégagez votre bagnole de chez moi ! ».
A l’approche sur mon cycle, j’aperçois un digne représentant de la force
publique communale, autrement appelé policier municipal équipé comme à la
guerre contre les taupes et les chiens errants, les plus sûrs rebelles à l’ordre
et quiétude du village. Il tente d’ouvrir un portail. Hurlements. « Dégagez, vous êtes chez moi ! ».
Notre homme cherche à pénétrer dans le domicile d’une honnête villageoise âgée
d’une bonne soixantaine d’années qui lui refuse cet accès. Impossible pour lui.
Dès qu’il touche la poignée du portail, la dame frappe avec un manche de pelle
sur sa grille. Elle redouble de cris. L’homme de force se courbe, échappe sa
main du coup encore parti en un éclair. Moi, peu amène, je presse sur les
pédales. Au moment où je passe, le policier enfile ses gants. Je m’éloigne,
quand un cri de détresse me fait poser un pied à terre. Le policier municipal
tente de gazer la dame puis s’éloigne rapidement, téléphone mobile à l’oreille.
En moi s’instaure un malaise et la
curiosité que la situation ne dégénère pas. Le policier monte dans sa voiture
et part en faisant crisser ses pneumatiques sur le mauvais bitume champêtre. Me
voici rassuré. Je reste cependant inquiet. Je m’interroge sur la formation des
policiers municipaux, sur l’utilité de leurs tenues, chaussures d’intervention
aux pieds, Sig-Sauer SP 2022 et chargeur rempli de 9mm à la ceinture, plus
exhibés que maîtrisés –comme chacun le
sait dans les stands de tir de la police- bombe lacrymogène du format d’un
aérosol de toilette et menottes… dans un petit village de campagne. Le même
village où, il y a moins de deux décennies encore, un garde-champêtre débonnaire
réglait la sortie d’école dans son beau costume noir et képi, apaisait les
querelles de voisinage, arrangeait les troubles à l’ordre public en poursuivant
les jeunes agités sur son 103 Peugeot caréné pour des pointes à 60 km/h en
descente. C’est qu’il était du cru, vivait là, avec sa famille dans le village.
Les tensions, avec les gardes-champêtres ont toujours été réduites au mieux, apaisées en
bon père de famille. Equité était rendue, paix advenait sitôt la faconde de l'honnête homme.
Que s’est-il passé pour, qu’en si peu
de temps, on soit passé d’un maintien de l’ordre public de proximité bon
enfant et juste, sous la férule d’un maire connaissant tous ses administrés, à une
police municipale en village à visage d’ordre quasi-martial ?
Maintenir l’ordre public signifie « assurer la paix au sein d’un groupe humain ».
Dans ses déclinations juridiques, si l’on retient les données du droit positif,
l’ordre public concerne trois éléments tirés de la loi L. 2212 du Code général des collectivités territoriales ;
ainsi, l’article 2212-2 énonce : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la
sécurité et la salubrité publiques. ». Dès lors, les trois critères de
l’ordre public renvoient, d’abord à la tranquillité publique (réglementation du bruit, des feux, de l’usage
des tondeuses…), ensuite la sécurité publique (circulation, la sortie des écoles, l’encadrement des manifestations
publiques comme la cérémonie du 11-Novembre, par exemple…), et enfin la
salubrité publique (hygiène, santé).
Dans un village, a-t-on besoin d’un
Rambo qui gaze ou tente de gazer une citoyenne de plus de 60 ans ? Et puis
son uniforme lui donne-t-il le droit de tenter ou de parvenir à pénétrer un
domicile, jardin compris ?
Nul ne peut, sans être expressément
invité à le faire, s’introduire dans le domicile d’autrui. L'article 226-4 du Code pénal sanctionne « l'introduction ou le maintien dans le
domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte (…) ».
En cela, nulle exception, puisque les termes de la jurisprudence de la chambre
criminelle de la Cour de cassation est constante sur le point de définir ce qu’est
un domicile : il est « le lieu
où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quel
que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux
locaux. ».
Notre Rambo villageois a-t-il
conscience là que l’intrusion ou tentative d'intrusion dans un domicile est strictement encadré ?
Nul fonctionnaire de l'ordre
judiciaire ou administratif, ce qu’il reste eu égard à sa qualité d’agent d’une
collectivité territoriale, ne peut, ne doit s’introduire au domicile d’une
personne sans autorisation et hors cadre légal sous peine de constituer un abus
d'autorité caractérisé. L'article 432-8 du Code
pénal est très clair sur cette question, puisqu’il dispose en ce fait :« Le fait, par une personne dépositaire de
l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, de
s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domicile d'autrui contre le
gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans
d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. ».
J’ai souligné « hors les cadres prévus par la loi ».
En effet, il est évident que la force publique peut procéder à une interpellation
au domicile d’un mis en cause, procéder à une perquisition, mais à la condition
expresse qu’elles soient encadrées ou stimulées par la flagrance des crimes ou
délits putatifs, ainsi que l’expose l’article 53 Code de procédure pénale, « Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet
actuellement, ou qui vient de se commettre (…). ». Hors le caractère
de flagrance, l’agent de la force publique doit être supervisé par une autorité
judiciaire dûment prescrite à cet effet de contrôle de la régularité de la
procédure et maintien de force à la loi.
Je me dis au premier chef que mon
homme de l’art a tout faux en gazant ou tentant de gazer la dame. Il ne saurait
question pour lui d’invoquer une mesure de légitime défense prévue à l'article
122-5 du Code pénal. Ladite défense doit
répondre à trois critères cumulatifs, et non pas, insistons sur ce point, l’un
ou l’autre : la défense doit être nécessaire
(il n’existe aucun moyen de se soustraire
à une agression, à un danger imminent) ; la défense doit être simultanée (la réaction face à l’agression ou le danger doit être immédiate) ;
enfin, la défense doit être proportionnée
à l'agression ou au danger imminent (il n’autorise
aucun excès dans la riposte). La petite scène rurale a bien dû durer une
dizaine de minutes entre l’agent et la retraitée hurlante. Rambo, pour les
trois critères énoncés ci-devant, n’avait aucune légitimité à sortir sa bombe
lacrymogène au moins huit minutes après l’entame de sa tentative d’intrusion dans
le domicile de la dame. Là est la faute principale. Le sait-il ? Recommencera-t-il ?
Force
doit rester à la loi et la persistance des droits fondamentaux auxquels ont
droit tout individu. Même à la campagne. J’allais dire,
bien davantage à la campagne qu’ailleurs, eu égard à la civilité rurale qui a
un temps pas si lointain existé. De mon côté, si je pédale encore dans ce
paisible village de France, je raserai le bitume aussitôt que j’apercevrai ce
représentant de l’ordre communal… on ne sait jamais. Mort au tournant ?,
le gaillard effraie, il faut bien que je vous l’avoue en passant, et préfère cent fois la police républicaine et nationale formée, elle (*)...
LSR
(*) Ce qui n'empêche pas, je le sais, Champagne !, il y eut des policiers municipaux formés et se situant dans l'esprit du garde-champêtre diligent, courtois et honnête à l'ancienne et ne se laissant pas conter s'il le fallait pour faire respecter l'ordre public sans excès : humain, donc !
Ce temps-là est-il fini ? Un mien camarade de mon club sportif fut de ceux-là. Dommage que désormais retraité, il ne soit pas recruté comme formateur pour les jeunots et autres bleus pour leur enseigner ce qu'il savait et transmettait à sa population. Il est vrai qu'il eut une expérience de travail en usine avant de faire ce métier. Rien ne vaut les expériences diverses dans le maintien de la paix.
Ce temps-là est-il fini ? Un mien camarade de mon club sportif fut de ceux-là. Dommage que désormais retraité, il ne soit pas recruté comme formateur pour les jeunots et autres bleus pour leur enseigner ce qu'il savait et transmettait à sa population. Il est vrai qu'il eut une expérience de travail en usine avant de faire ce métier. Rien ne vaut les expériences diverses dans le maintien de la paix.
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