Dure professionnalisation du champ politique
Prévision professionnelle en 2017
pour les politiques
Le
prochain scrutin dominical sera probablement un désastre pour le parti (ou coalition de partis) au pouvoir. Le
nombre de listes pour envoyer des eurodéputés est impressionnant par chez nous.
Comme d’habitude, ce scrutin sera éminemment national, à la fois dans les
intentions de vote et dans ses analyses, parfois même dans l’expression d’une
protestation généralisée de l’institué de bon aloi, contre la pensée « unique » alignée dans l’existence d’une
forme d’Europe.
Le
PS n’est plus attendu au tournant par les électeurs ; ses représentants au
pouvoir semblent définitivement embourbés dans les initiatives successives de
ses résolutions prises en congrès, le tout lié à la gestion du pouvoir,
principalement les règles et carcans définis à Berlin-Bruxelles-Strasbourg. La
rigueur budgétaire dans un contexte d’après-crise financière, sur fond de
chômage de masse et de désindustrialisation active opérée dès son premier
accessit au pouvoir, taille une route politique étroite pour un parti qui
mettra plus de dix ans pour s’en relever.
Il
serait illusoire de penser que le président Hollande parvienne à enrayer un
déclin national non encore assumé. La méthode Coué a ses limites. De même, ses
ministres restent discrets de ses débats et rivalités internes ; côté
parlementaires, les langues se délient plus facilement. Et l’on apprend que nombreux
redoutent un retour à la vie civile dans trois ans et ne savent à quel chef se
vouer. Dans un parti, du plus petit cercle local -en l’occurrence la section au PS- jusqu’au niveau national -les congrès, le bureau national- les
tendances et écuries sont les clefs des accès à la nomination sur une liste
municipale, une désignation fédérale pour les mandats départementaux et
nationaux. L’heure du choix sonnera pour les élus « professionnels » dès lundi prochain.
La
« veste » en politique est
un parcours obligé pour de nombreux élus. Dans le cadre d’une
professionnalisation de la politique (« faire le job » disait l’ex locataire de l’Elysée), le « pantouflage » fut une des
inventions de Georges Pompidou : les allers et retour entre le privé et le
public. Pour les entreprises, souvent sujette aux appels d’offres de l’Etat,
posséder des personnels politiques aident à la conclusion favorable desdits
appels et contrats. Pour les politiques, la situation financière est amplement
favorable pour qui sait (ou : parvient
à) s’insérer dans le bon filon. La difficulté de l’exercice est la
constitution du carnet d’adresses, les fréquentations des clubs et officines
parallèles au parti. Parfois, l’assurance d’un poids symbolique acquis ailleurs
occasionne une influence certaine dans le parti. Et inversement, bien entendu.
Il en va de même dans les organisations syndicales ; les voix des
compagnons de route sont mieux entendues en interne que celles des adhérents
eux-mêmes. Un exemple pas si anodin : un chercheur, un universitaire
invité à un congrès syndical ou dans les colonnes des publications dudit
syndicat a plus de portée que les universitaires et chercheurs membres d’une
organisation fédérale d’un grand syndicat (type
Cgt, Fo, Cfdt, etc.). Dans les partis, réseau et rite initiatique -qu’il soit territorial, confessionnel ou
d’appartenance professionnel- prennent des atours surprenants. Untel s’est
fait valoir dans des querelles locales, dans une lutte sociale, et hop, le voici sollicité pour prendre
parti, figurer en bonne posture sur une liste. Unetelle a fait carrière dans
une entreprise célèbre, la voici placée devant les besogneux du parti qui se
triturent les méninges depuis des années dans les petits jeux internes.
La
structuration des partis français est fondée sur un savant mélange de
militantisme de terrain et de conférences des élus. Les uns et les autres se
contredisent quelquefois. Le plus souvent, une sorte de mur se construit entre
eux ; les batailles électorales sont alors mises à profit pour lisser et
harmoniser quelque peu cette dichotomie partisane. Les uns y croient dur comme
fer, possèdent une confiance aigue pour les autres, les figures nationales. Ils
militent, tractent, prennent du temps sur leur vie de famille, se mettent
parfois en disponibilité professionnelle pour faire campagne sans assurance
quant au résultat. De l’autre, des parcours simplifié font rêver les agents de
Pôle emploi. L’Ecole nationale d’administration,
fondée pour servir de vivier de compétences dans les administrations publiques et
garantir l’Etat centralisé, par la professionnalisation de la politique, est
devenue une machine d’introduction dans les partis. Nombre d’anecdotes notent
les propositions de services au PS ou au RPR/UMP, pourvu qu’un poste et plan de
carrière clarifient l’engagement pris.
Il arrive qu’un parcours en cabinet ministériel ou régional serve avant tout de
passage obligé avant une responsabilité dans le consulting ou la communication politique, manifestement plus
lucrative.
Dans
les faits, le marché du travail est concurrentiel pour les politiques. Le marché
du travail privé s’étant réduit, beaucoup de jeunes talents diplômés
recherchent la garantie d’un emploi au « cœur de l’action publique » qui laisse présager toutes les
espérances professionnelles. Quand la politique est carrière, quand la
politique assied une nouvelle féodalité, l’aventure devient la matière d’une
existence humaine. A défaut, la défaite stérilise le paysage et les horizons d’attente.
Au PS, la chute de bastions municipaux provoque un séisme interne au parti qu’on
a peine à évoquer puisqu’il est récent. Recaser un « grand » élu ou un directeur de cabinet, en période de crise
économique, relève du casse-tête. Les cv parviennent en masse rue de Solferino
ou dans les régions détenues par le parti majoritaire. Les parlementaires ne
sont pas en reste et anticipent de probables pertes de circonscriptions dans trois
ans. Et c’est là le signe d’une débâcle annoncée pire que celle de mars 1993.
Il aura fallu dix ans au PS pour s’en relever, des communes au Sénat avant la
reconquête de 2012. Une nouvelle défaite annoncée dans trois ans, plus sévère,
portera un risque d’implosion de la gauche en général, et du PS en particulier.
Une nouvelle donne lui sera nécessaire. Le programme, les déclarations d’intentions
ne seront strictement rien si une analyse du monde tel qu’il n’est pas mise à
plat en amont. Non pas ce que veut l’électeur ou ce qu’il est face à son
bulletin, comme des think tank l’imaginent
sans cesse, mais ce que peut et doit la politique. Se porter simplement
candidat sans un projet cohérent relèvera de la gasconnade. Il faudra trancher,
discerner et relever le gant : le défi eu égard aux futures tensions
sociales, le défi quant à la situation internationale lourde de conflits, le
défi de la supranationalité comme lieu de la prise de décision, le défi du
travail et de l’emploi seront les idées-mères des vingt-cinq prochaines années pour
qui entend gouverner la France. Bon courage…
LSR
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