"République", "démocratie", poussières conceptuelles ?, par Patrice C.
Démocratie et République
Il y a peu de choses que l'on puisse mettre au
crédit de la démocratie. Parmi celles-là, on trouve la mise en collectivité
d'un peuple et la tutelle d'un Etat.
Cette démocratie que l'on nous présente comme la
panacée, l'apanage des peuples civilisés, que l'on nous vend comme étant la seule solution pour une vie commune apaisée et
respectueuse de chacun. Il faut savoir qu'elle n'est en fait que la descendante
d'une commisération et d'une mansuétude condescendante de ceux qui savent et
qui possèdent envers ceux à qui on peut faire l'aumône de croire qu'ils sont
nos égaux. La démocratie comme vertu
acquise et transmissible entre gens du beau monde envers les gueux, surtout
s'ils vous remercient. Cette quasi-propriété suffisante de détenir un
savoir social de bon ton qui n'est pas à la portée de tous les manants. La
poussée quantitative ayant fait son office, on peut condescendre à leur faire
croire que nous sommes tous un seul et même peuple. "L'innommable gouvernement de la multitude", comme disaient les
Grecs, "le pire des gouvernements à
l'exception de tous les autres", comme l'aurait dit Churchill. En
fait, "La démocratie, comme forme de
vie collective et sociale, est le règne de l'excès", nous dit Jacques
Rancière(*).
Elle a surtout permis à l'égoïsme individuel de
trouver sa justification et de transformer la volonté individuelle en valeur
sociale au détriment de l'étatique. Elle a littéralement marchandisée le rôle
de chacun. Elle a permis l'affirmation de l'égoïsme individuel en valeur
collective. On est, on vit, on achète comme on l'entend (c'est bien le moins) lorsqu'on prétend à une liberté de façade
érigée en mode de vie. La démocratie, c'est l'individualisme roi dans un monde
en quête de respectabilité et de gloires individuelles : "Elle est proprement le renversement de
toutes les relations qui structurent la société humaine"(*). C'est ce qui permet maintenant, et plus que
jamais, aux esprits superficiels de s'affirmer citoyen démocratique, maître de
sa vie dans sa sphère personnelle. Et tant pis pour les autres ! Tout est
désormais démocratique : le téléphone portable, les supermarchés, l'école dont
se mêlent les parents omniprésents et pressants, la liberté marchande, "l'expression de la liberté d'individus qui
ont pour seule loi les variations de leur humeur et de leur plaisir,
indifférentes à tout ordre collectif"(*). Cette pseudo-démocratie
populaire qui permet de s'exonérer de responsabilités collectives et de déléguer alors qu'elle devrait
justement permettre de se passer de toute représentation officielle.
L'autre attribut que s'octroie facilement les
peuples est celui de République. Il s'en faut, là aussi, d'un "parapluie" bien pratique et souvent
usurpé. La république est une forme que l'on peut donner à l'Etat pour être la
représentation d'un peuple. Elle est aussi "l'idée d'un système d'institutions, de lois et de mœurs qui supprime
l'excès démocratique en homogénéisant Etat et société"(*). Comme pour
la démocratie, il y a pléthore d'abus sémantiques tant une démocratie peut être
absolue et une république totalitaire ou autoritaire et vice versa, dans ces
cas-là il y a usurpation de titre et manipulation. La France s'est attribuée
une devise : Liberté-Egalité-Fraternité qui, cependant, n'ouvre guère des
horizons illimités à son peuple. L'attrait que peut générer cette devise se
doit d'être relativisée. Elle ne peut être aussi attractive que veulent bien le
croire des peuples en état de souffrance dans leurs pays. Comme la démocratie,
il y va d'abord d'un respect généralisé, d'une considération partagée et
fédérative. Les deux considérations et approches peuvent avoir comme finalité
de se passer de tout pouvoir représentatif, si l'on trie le bon grain de
l'ivraie et si l'on rapporte les valeurs intrinsèques des appellations à leur
juste valeur. Toute démocratie n'est pas toujours républicaine et toute
république n'est pas obligatoirement démocratique. C'est le partage des valeurs
qu'elles portent qui fera ou pas la valeur d’un peuple.
De cela, l'homme est responsable.
Patrice C.
(*) Jacques Rancière, La
Haine de la démocratie, La Fabrique éditions, 2005.
Commentaires
Enregistrer un commentaire