Guerre ou examen des forces en présence en Ukraine, par Patrice C.


Jouer à se faire peur

La multipolarité est mise à mal. Le souverainisme des Etats doit être relativisé face à l'esprit de conquête réactivé par des effets de manche de conquistadors éphémères mais toujours sur la brèche pour en imposer au monde entier. La conquête d'espace n'est pas tant d'actualité que celle d'occupation des esprits et la gonflette reste l'apanage de tous ceux qui espèrent encore en imposer à leur auditoire et se replacer dans la course à une bipolarité profitable.

Depuis 1989, le monde tourne en rond ne sachant plus à quel saint se vouer pour qu'en fait deux seuls Etats continent à profiter de la situation laissée en blanc. La stabilité étroite qu'avait instaurée la bipolarité est-ouest n'a plus d'équivalent nul, et l'espace est donc ouvert pour jouer à se faire peur à nouveau. Pour preuve les conséquences épiques que développent la France, la Pologne et l’Allemagne face au problème ukrainien et le jeu de l'oie que viennent d'ouvrir les Etats-Unis et l'Allemagne.

On peut légitimement subodorer que l'Ukraine remplace le Berlin-Est d'antan et qu'elle soit le théâtre obscur de tous les services secrets de l'Ouest face à ceux de l'Est, comme au bon vieux temps. Sur place, le spectacle est savamment entretenu et attend d'être poussé dans ses derniers retranchements jusqu'à ce qu'il ne soit trop tard. La mayonnaise est en train de prendre et c'est certainement le peuple qui en fera les frais, juste ce qu'il faut avant que ce ne soit trop grave et trop tard. En attendant, on s'affaire. On réactive les réseaux et on reconsidère les forces en présence. Une façon propre de se faire peur là aussi et de réactualiser, à l'aune du présent, les anciens traités et les anciennes dispositions. Les manœuvres militaires sont presque à taille réelle. On ne frissonne pas d'impatience, juste d'aise. Ainsi, la France installe des avions en Pologne, la chancelière allemande va demander aux USA le droit de réactiver son armée pour le cas où et la Méditerranée devient Pearl Harbour.

De tout cela, il n'est question que de façon superficielle. On ne joue pas encore pour de vrai, juste une prise de position qui entraîne ipso facto une redéfinition des forces en présence et un comptage méticuleux et numérique des valeurs. Aujourd'hui n'est plus hier et n'annonce guère demain, mais peu importe. Tout cela n'est que provisoire, temporaire mais peut-être l'Allemagne trouvera-t-elle là une belle occasion de se recréditer militairement aux yeux de l'Europe dont elle est, par ailleurs, le maillon le plus fort. Il s'agit donc de jouer à qui-perd-gagne. Une bonne vieille redistribution d'avantages à valoir sur l'avenir n'est pas un mauvais placement. Réinstaller les seigneurs permettra à quelques barons de tirer les marrons du feu. Si cela permet de revenir à un statu quo ante, cela évitera surtout de se poser des questions insolubles sur l'avenir qui frappe avec de plus en plus d'insistance à la porte et que seuls des décideurs de poids peuvent se permettre d'ouvrir.

Le mouvement mondial, que d'aucuns voient comme inexorablement évolutif, risque-t-il de se voir ralenti par des occupations plus urgentes ? Il n'est pas exclu qu'une redistribution des priorités de reconfiguration soit plus urgente et, qu'à défaut d'être profitable, elle ne soit pas un excellent prétexte dilatoire à tout changement d'orientation qui paraît pourtant bien nécessaire.

Patrice C.

 

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