Conversation intérieure en mélopée improvisée, par Patrice
L'improvisation
musicale.
Elle doit être le
flux sonore des pensées du musicien. Telle une conversation, elle doit
restituer le ronronnement en écho du débit vocal avec ses intonations, ses
retenues et ses excès.
Lester Young disait
qu'il chantait en jouant. On peut considérer que les grands improvisateurs
étaient des bavards…
Telle une
conversation que tiendrait le musicien avec un interlocuteur, il doit restituer
les deux axes de la conversation, avec ses hauts et ses bas, ses trémolos, ses
moderato, ses staccatos et ses glissandos. Toute la palette tonale qui fait le
relief d’une conversation. L'improvisation se doit d'être vivante, suivie et
rythmée. Une conversation n'est pas atone ou monotone. Qui suivrait une telle
conversation ? Autant elle peut-être et doit être enrichissante sur le
développement et l'exposé des idées, autant elle doit moduler ce parcours de
façon sonore. Ainsi, il ne peut y avoir de heurts violents ou de quasi absences
de sons. Il peut y avoir des emballements, des modérations. Imagine-t-on une
conversation qui ne soit pas ainsi rythmée par les effets que l'on entend
donner à ses dires ?
Qu'importe après
tout le thème de la conversation que vous envisagiez. Elle peut être exaltée ou
modérée, d'espace public ou d'alcôve, intime ou exaltée. Rendre de façon sonore
un compte rendu de match de foot dont on se ferait le compte rendu est
parfaitement concevable, au même titre que la sensation ressentie à l'écoute
d'une musique de chambre peut l'être plus intimement ou le compte-rendu d’une
exposition.
Existe-t-il des
improvisations possibles pour tous les instruments ? Le riff d'une guitare
peut parfaitement être comparé au souffle du hautbois et être aussi expressif.
Seul le contenu de la conversation ainsi rendue donne la fluctuation du son et
impose sa tenue. L'improvisation reste le partage d'un moment privilégié entre
un musicien et son instrument. Elle est donc réalisable par tous et pour tous
les instruments. C'est un moment d'intimité que l'on peut souhaiter faire
partager, un thème librement choisi dont le premier auditeur est l'auteur
lui-même. Celui-ci peut d'ailleurs se réserver des thèmes personnels et ne pas
souhaiter les divulguer, comme s'agissant d'écrits. On peut parler tout seul,
malgré ce qu'en disent les psychiatres, et exprimer, faire participer un
instrument au dialogue est une forme de conversation. Les improvisations les plus réussies sont peut-être aussi les plus
secrètes, comme le sont les pensées ou les dialogues solitaires.
L'aspect sonore,
lorsqu'il est rendu n'a pas vocation à satisfaire (sauf professionnalisation) un auditoire. Il est avant tout une
tranche de vie partagée entre un musicien et son instrument. C'est toujours un
cadeau que peut offrir un musicien à un auditoire, mais celui-ci reste du
domaine de l’intime. Pour être pleinement partagé, il nécessite une communauté
de choses mises en partage, une connaissance partagée de l'auteur en tant que
générateur potentiellement reconnu comme pouvant être intéressant tant dans
l'exposé de ses idées que dans l'expression musicale qu'il en donne.
Libre est toute
forme d'expression. Elle a besoin d'être confrontée, opposée parfois et donnée
en public toujours pour se parfaire.
Patrice C.
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