Après l"unité nationale" de façade, les mots bleus, par Patrice
Les mots sont vains.
Les événements de la semaine dernière revêtent de plus
en plus ouvertement l'aspect d'un conflit entre tous. Celui qui oppose, comme à
la première occasion qui semble la bonne, les hommes entre eux. La volonté
clairement exprimée aussi de vouloir comprendre et de vouloir décompresser
après le traumatisme subit révèle les heurts et les oppositions latents.
Il est tout à fait superflu d'habiller la volonté de
comprendre de thèmes et thèses en tout genre. La seule force qui guide est
celle de vouloir avoir raison et de toujours être meilleur que son voisin. Cela
créé une rivalité de situation dans l'approche et la recherche de solution. Il
suffit d'une occasion grave pour que l'homme se révèle être ce qu'il n'a jamais
cesser d'être : un loup pour l'homme.
Il n'est plus
question d'entente nationale dès qu'il s'agit de se soigner par le dialogue,
juste de vouloir avoir raison. L'utilisation
des mots qu'on appréhende, avec un nouveau regard, et du jour au lendemain,
sont comme sacralisés alors qu'ils font partie de notre environnement habituel,
revêtent une nouvelle approche car il faut du
sacré dans les périodes difficiles à vivre. Il s'agit aussi d'un retour à
des valeurs métaphysiques. Un cran au-dessus dans la difficulté d'approche et
tous retournerons dans les églises.
Faute de comprendre et de trouver des explications
tangibles et pratiques, on rejette, on craint de ne plus comprendre, de ne plus
avoir de guide de conduite. Les mots deviennent vains. Ce sont les sentiments
qu'ils couvrent que l'on ne sait plus exprimer. La crainte se mêle au besoin qui rassure.
Dans des cas comme ceux-là, quelques personnes
continuent de s'exprimer pour extérioriser et soigner l'angoisse, à défaut de
comprendre. Elles monopolisent donc le dialogue alors que d'autres attendent
des explications rationnelles. Elles exorcisent. Toutes ont la conviction
d'avoir raison, de détenir la vérité et de connaître le chemin à prendre. Il ne
leur reste plus qu'à être suivi et compris. La volonté n'est pas tant de rassurer que de se rassurer et d'imposer
une solution. Toutes discussions deviennent aussi inefficaces qu'une
interdiction en cas de panique. Avant que ce ne soient les rues qui
s'emplissent du fourmillement des détresses, ce sont les dialogues qui par leur
diversité sur des sujets ignorés ou relégués deviennent stériles et inutiles.
Ils émanent de quelques-uns et se veulent l'explication, le remède à
l'inquiétude. Ils ne sont que l'expression vaine face à une urgence de masse.
Les mots restent ce qu'ils sont : vains. Ils ne sont pas vides, ils ne servent
que l'égoïsme de quelques-uns à s'auto-satisfaire dans une dernière posture.
Les mots sont vains car c'est d'un ultime conflit qu'il s'agit. Celui qui
révèle et qui ne permet pas d'aboutir, comme tous les conflits. Les mots sont
innocents, c'est leur utilisation qui peut faire mal et surtout tromper.
Que signifie
aujourd'hui, et pour combien de temps encore, laïcité, liberté, amalgame, sacré
et profane, prosélytisme ?
Que valent-ils selon les expressions qu'on leur donne
et selon ce que l'on en attend ? Sont-ils redécouverts ? Qu'en
était-il de leur connaissance et de leur utilisation ? A-t-on donc vécu
jusqu'à aujourd'hui sans les connaître, sans les utiliser ?
Ils sont devenus exutoires, prétextes et excuses à nos
malheurs collectifs. On les a saisis et on les triture pour mieux assouvir nos
inquiétudes.
Mots, êtes-vous là ?
Patrice C.
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