Religion de la fête
Les fêtes,
ça se fête.
Fêter
les fêtes, voilà le dernier cri.
Les
commerçants font leur inventaire et calculent les recettes de la vaste série du
culte du consumérisme des dernières semaines.
Fêter Noël et l’espérance,
comme vous y aller… Fêter la famille, allons donc… Rien ne dépasse
plus la religion du marketing et de la vente. Aujourd’hui, le bipède urbanisé
croit que pour être, il faut acheter,
pour paraître, il faut poser comme une vieille noceuse sur papier glacé.
Pour
célébrer ce culte nouveau, quelques inventeurs de génie ont imaginé séduire les
gros commerçants de masse en créant de toute pièce l’idée même de fête.
Inspirés par d’antiques fêtes païennes, il leur a suffi de prendre Noël comme
référent global d’une célébration orchestrée vers le détournement régulier de
la joie enfantine ; l’obligation de rendre caduque sa propre foi n’a pas
paru vaine. En effet, l’on se donne bonne conscience en payant l’amour, en
démontrant sa bonne fortune dans l’art du cadeau venu non plus du cœur mais du
compte en banque. Ce paganisme est si généralisé qu’on ne mentionnera plus ceux
qui, dès le mois d’août, économisent pour « fêter » Noël, ou tout simplement recourent au crédit à la
consommation pour « assumer »
ce qu’ils prennent comme une obligation « normale ».
Les
classes populaires ont cédé aux largesses plus que les autres classes. Les
magasins leur ouvrent les caisses pour des jouets par milliers, des objets hétéroclites
made in China, des chocolats, des
parfums, des consoles de jeux aussi obsolètes que le désir de les posséder s’est
dispersé aussitôt leur usage accompli. Nous avons là une population captive qui
croit vouloir ressembler à tout le monde en forçant sur la dépense comme le
clochard force sur la dive boutanche pour se réchauffer par grand froid.
Fêter la fête
revient à se fêter soi-même dans sa jouissance semi-bourgeoise. Alors, pour
assumer le vœu des marchands, rien de tel qu’une saoulerie obligatoire à la
Saint-Sylvestre pour oublier qu’il faudra courber davantage la nuque pour se
maintenir à flot lors des prochaines sauteries nécessairement plus
dispendieuses à venir. C’est que d’autres fêtes suivent cet hiver, comme les soldes, le
blanc, la Saint-Valentin, etc., soit autant de curiosités topiques pour qui
viendrait d’une religion moins abâtardie par le consumérisme-roi.
LSR
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