Sombres héros de l'amer, ou les infortunes d'une époque de badinage généralisé
Moralistes du Petit-Siècle sans héros nous sommes.
Dans
de cruelles remarques, des moralistes du Grand Siècle succédant à la période de
la Fronde des Grands du royaume sacrifiaient à la destruction du héros, et cela
dans le contexte d’une stratégie narrative inavouée de démythologisation de
Louis XIV.
De
nos jours, « démythologiser »
des présidents comme Nicolas Hollande et François Sarkozy ne tient guère du mérite
ou du calcul tactique de la plume. Ils s’en chargent très bien tout seuls, en
divulguant des pièces de leur intimité, ou en ne le recherchant pas, ce qui
conduit inexorablement à conduire à l’effet contraire. La presse canaille, la
presse à sensations (aussi fortes que des
pets d’âne) ou la presse des grands
de ce monde en papier glacé ont cédé le pas à une presse dite populaire et
pas cher, voire vulgaire, qui n’hésite pas à exploiter les tréfonds les plus
réticulaires, quitte à payer des « sources »
pour obtenir des informations ou confirmer/alimenter des rumeurs.
L’absolutisme
du monarque solaire affichait l’ensemble de ses faits et gestes à la cour, les
uns étant soigneusement sélectionnés, selon leur rang dans la noblesse, pour
assister aux grands et petits couchers du roi, à ses ablutions et même au
soulagement de ses intestins. En revanche, la politique restait cloîtrée à une
élite pénétrée des conseils et recommandations doctrinaux de cardinaux
successifs, dont l’excellent Richelieu, qui se gardaient bien de délivrer une
publicisation des travaux du Conseil d’en haut, afin de stimuler respect et autorité qui ne « pouvoient point recevoir de contradiction
dans le royaume », les deux sources incontestables d’une summa
potestas pleine et entière.
De souveraineté, nos présidents laïcs et
républicains depuis 2007 n’ont plus que l’apparence faite de circonvolutions
flatteuses, de palais, de valets et organes institutionnels pour maintenir à
flot un semblant de hauteur de vues. Leur insignifiance politique se calcule aujourd’hui
à l’aune d’une époque caractérisée par le
badinage, la conversation au coin du feu (un radiateur électrique,
modernité oblige) sans fondement et des déclamations et des vœux sans
aucune prophétie. Des interventions sans importance dont la presse fera écho de
quelques petits mots pour le premier, quelques bons mots pour le
second. Pas davantage. Ils occupent l’écran, rien de bien méchant. Au moins,
avec le président Chirac, malgré ses fantaisies personnelles (généreux de
son organe) et politiques (lignes politiques au gré de l’Autan et de l’effet
de Foehn propres à la région d’Ussel en Corrèze, et dissolution de la Xe
législature de l’Assemblée nationale en avril 1997, sans doute pour mieux
présider avec un « cousin » politique) a su conserver une
dignité dans l’exercice de sa fonction
en misant sur une popularité due à son comportement naturel chaleureux et
amical avec les populations en direction desquelles il aimait aller à la
rencontre.
Insistons, le président Chirac respectait la fonction et les règles de distance appropriées dans l'exercice mélodique
de son mandat ; il ne se laissait pas aller à devoir prendre en main
lui-même « sa » communication personnelle d’homme.
Avec les présidents Sarkozy et Hollande, parce que
la communication politique reste, depuis leur plus tendre entrée en politique,
un bien qu’ils entendent capitaliser, il nous faut tout savoir, tout relever,
tout connaître de ce qui se trame autour et en eux. Certes, le second s’en
défend et répugne à l’exercice quand le premier affranchissaient ses
interlocuteurs de ses déboires comme de ses bonheurs conjugaux alors qu’aucun d’eux
ne le réclamait. Nonobstant, le président Hollande, à tant renâcler d’exposer
son goût prononcé pour les sensations fortes à deux-roues dans Paris, tout en
voulant incarner durant sa campagne interne au PS sa transformation physique
pour « endosser » l’habit du présidentiable (amaigrissement
de la silhouette, teinture capillaire noire de jais, nouvelles montures de ses
bésicles), a fini par se prendre les pieds dans la chaîne de son scoot
favori. Le déballage honteux et ordurier orchestré par son ex-compagne en prime
a peaufiné l’irénique dissolution de la souveraineté du président, au moment
même où, durant tout l’hiver, il a cédé sur presque tout face aux exigences d’Angela
Merkel – à croire que l’affaire des croissants portés à sa tendre révélée
par un torchon pouvait sembler une opération de com’ pour monter un
contre-feux aux dilapidations de la France au profit de l’Allemagne, et pousser
de la sorte la vue sur un sujet moins sérieux.
Les moralistes du Tout-Petit-Siècle que nous vivons, c’est nous-mêmes, de petits
journalistes, de petites plumes, de petits bloggeurs, de petites
gens de peu… avec quelques dents, pour sûr (sic) à tenter de décrypter le badinage généralisé de nos
mortels gouvernants. Non qu’avec d’autres nous trouvions le sujet des présidents
de la Ve comme des « héros » à tailler aux jarrets, mais parce
que tout cela reste amusant et facile pour illustrer de quelle manière nous
avons résolument changé d’époque politique et historique, et pour démonter la
commotion cérébrale que la France a pris de face en vendant un à un ses bijoux
de famille industriels jusqu’à sa souveraineté politique et son indépendance
minimale sur la scène internationale. Les
héros ne sont pas fatigués : ils ne sont tout simplement plus.
Reste qu’il est plus que probable que les
moralistes du Grand Siècle ont succédé à la Fronde et que nous, trublions de
peu et aussi badins de concert, observons un tantinet la fronde à venir
avec son cortège d’exactions possibles, de gangrènes fascistoïdes et de lutte
de tous contre tous sans merci.
Pour ce faire, dès lors, nous ne disons certes pas
merci pour ce moment occulté par nos présidents contemporains qui portent en
eux un déni de la réalité sociale par inassouvissement de leur impossible summa
potestas dont ils seraient, ma foi, bien embarrassés s’ils en conservaient
ne serait-ce qu’une once. Peut-on respecter l’irrespectable de leur courte vue
politique ? Doit-on y déceler une autorité nouvelle dans sa forme – un voile
pudibond posée sur elle ? -, ou bien la sécularisation de leur
fonction confine-t-elle à une autorité diluée dans un Léviathan autrement plus
abrupt ?
L’histoire à l’œuvre au noir nous le dira
plus rapidement qu’on ne le pense du reliquat du conseil d’en bas.
LSR
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