A la lettre des Hussards...
Avec les
compliments du Hussard.
Dans
la veine des Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon et Antoine Blondin, le
premier étant le chef de file par son beau roman Le Hussard bleu (1950)
qui raconte les fiers-à-bras Saint-Anne et Sanders lors de la guerre en Allemagne,
des écrivains arpentent la période française bénie de l’après-guerre. Tout est
à reconstruire. Les espoirs sont tous permis. La France pose les jalons
internationaux exacerbés par de Gaulle depuis Londres puis à Bayeux, en juin
1946.
Ces
Hussards sont de drôles de jeunes gens. Aucun n’a avalé la pilule d’une France
qui fut tour à tour vichyste et gaulliste, parfois en les mêmes pontes du temps.
Le sous-préfet de Chartres a été bien longtemps isolé au début de l’Occupation.
Désabusés,
les Hussards ont été marqués de ce sceau d’Olympe par Bernard Frank dans un
article de décembre 1952 rendu aux Temps
modernes, la revue de Sartre. Ils rendent hommage à la tristesse, à la
grisaille de ces femmes qui obscurcissent la littérature de toute la dynamite
des cuisses des hommes obtusément affermis par une résistance mythologique.
Rares les résistants l’étaient quand nombreux périrent sous la balle ou la
hache allemande. Surtout, les Hussards ont la nostalgie d’une enfance chagrine
et pleine de la tendresse d’une mère, d’un père un peu sévère, et d’une
adolescence faite de jeux dangereux et d’amitiés pour toujours.
Les
Hussards font de la phrase courte et sèche leur marque de fabrique poétique, la
transformant en lame fine et meurtrière contre les hypocrisies des patrons et
ouvriers rigolards ensemble dans la « reconstruction ».
Politiquement, on les placera avec commodité dans la droite anti-gaulliste,
puis dans la défense de la cause de l’Algérie Française.
Préférant
le sel au sucre, pour exceller en une touche à la Laurent, les mots des Hussards déboulent dans
les années 1950 pour percuter les styles d’alors, envieux et rabougris dans les
saintes tribulations de quatre années ineptes d’ennui, de dénonciations et de
recherches de quoi manger. Ils ne feignent pas, ils encensent. Ils se prennent
d’amitié avec les Chardonne et Morand que tout oppose dans le style mais que tout
rassemble dans la fuite et l’exil après leurs compromissions coupables, voire
leurs encouragements à la germanisation de leur pays.
Les
Hussards ont parfaitement envisagé leur présent et notre avenir au présent.
Sous la plume d’Eric Neuhoff, dans Les Insoumis (Fayard, 2009), à
propos de Maurice Ronet, sommet tiré d’une impression fort bien tirée de Blondin,
voici ce en quoi nos Hussards ont tenté de lutter… en vain et pour Paris,
ville-illusions et d’culs d’riches :
« Les enseignes des multinationales
ont tué les mirages. La nuit n’a plus le droit de cité. Maintenant, les
journées ont vraiment vingt-quatre heures. Cela respire l’argent et l’ennui.
Les journaux sont remplis de mille niaiseries. A la télévision, la bêtise prend
toute la place. De faibles lueurs clignotent derrière les vitres du Flore. Des
garçons en tablier regardent leur montre. Des clients fument debout sur le
trottoir, piétinant sur place à cause du froid. Aucun clochard n’arrête les
rares passants pour leur demander un euro. Plus le moindre éphèbe monté de
province, enfui de sa banlieue et prêt à tout pour ne pas y revenir, tapinant
au bas de la rue de Rennes. De pauvres touristes errent, leur plan déplié à la
main. On leur a menti. Ils croyaient atterrir dans un tourbillon alcoolisé. Les
voici, penauds, dans un dessin de Sempé. La société moderne a assigné
l’extravagance à résidence. Le troisième millénaire s’annonce gris. Il ne sera
ni en noir ni en blanc, ni en couleurs : il sera, oui, gris. Ce siècle, on
l’aimerait moins inhabitable. Il n’y a plus d’école du soir. Nous sommes tous
des Monsieur Jadis. » (op. cit., p. 19-20).
Il
n’y a plus d’école du soir. FIN. Nous n’avons pas encore émergé de l’ennui de l’immédiat
après-guerre avec Déon ou Nimier… en attendant la prochaine, les bipèdes
urbanisés n’en finissent pas de vivre indisposés tels des Blondin en s’en
arrangeant sous les injonctions des démocrates qui vous moralisent de conseils
d’hygiène sociale : pour mourir en
bonne santé, il ne faut pas fumer ; pour espérer en la paix, l’Europe est
là pour toi ; mangez cinq fruits et légumes en matant votre télévision
pour apprendre à avoir peur…
Les
Hussards, on les dit facilement fachistes…
on les conspue dans les cénacles de gauche tout en les lisant d’une main.
Les
Hussards, on les verbalise à qui mieux-mieux. On ne les oublie jamais à l’ombre
des fonds baptismaux où le petit-dernier de la grande famille reçoit l'eau de la renaissance à une vie nouvelle.
La
phrase courte, la plume envolée, l’encre sur la table de chêne, voilà un bel
esprit pour une promesse ailée dans l'histoire politique : rien à suivre, rien à espérer…
LSR
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